Page 47 - Vincent_Delavouet
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Chapitre XIV
Joseph More, autre compatriote — L’ours bénévole
Juillet 1894.
Me voici donc, le sac sur l’épaule, par un temps très agréa
ble, reparti par le chemin raccourci en question. Pendant
deux jours, je ne rencontrai âme qui vive, ni même aucune
trace d’habitation. Mais il faut dire que nous étions en plein
été, c’est-à-dire au meilleur moment de la saison ; et que
le pays n’offrait aucune trace d’inquiétude pour le voyageur,
pas plus au point de vue d’insécurité, que d’hostilité des
peuplades indigènes y habitant,et dont la plus grande partie
avait été convertie au christianisme par des missionnaires,
avec lesquels je devais faire connaissance. H existait bien
quelques ours dans ces parages; mais, à cette époque de
l’année, ils 41’étaient pas à craindre, trouvant facilement,
dans les forêts, leur nourriture. Ils ne devenaient dangereux
pour les Blancs que s’ils étaient attaqués ; quant aux Chinois
implantés dans le pays, ils ne pouvaient pas les sentir.
Ma première nuit de campement fut de courte durée, car
dans ces pays septentrionaux, si pendant l’hiver on ne voit
le jour que quatre ou cinq heures, par contre, il n’existe
guère que quatre heures de nuit à l’époque où je franchissais
ces contrées.
Ce n’est que dans la soirée du deuxième jour de marche
que je trouvai une hutte habitée également par un Euro
péen, un M. Joseph More, qui cherchait de l’or l’été et
chassait l’ours l’hiver, en faisant, lui aussi, le commerce de
pelleteries.; mais quelle différence d’homme avec ce Léon
Gaillet, quitté récemment. Ce M. More, âgé de 35 ans, cana
dien français, n’avait pas été ébloui par le mirage de l’or.
Il se contentait de menues pépites trouvées sur les différents
terrains lui appartenant et tirait son meilleur revenu du
produit hivernal de sa chasse.
Je restai auprès de lui pendant trois jours, tellement son
accueil fut cordial et sa conversation intéressante ; il m’in
diqua toutes les ruses de l’ours pour ne pas être surpris par