Page 62 - Vincent_Delavouet
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et lorsqu’il sut que j’arrivais du Klondyke, il fut obsédé
de savoir si je possédais des pépites d’or à vendre.
C’est alors que je lui montrai un tour de cou en or, dont
l’estimation que j’en fis pouvait correspondre avec certain
• attelage et voiture de campement que le juif me montra,
et qui faisait assez bien mon affaire.
Inutile de parler des marchandages qui eurent lieu, mais
je tins bon et, le juif ayant envie de oe collier, nous arrivâmes
enfin à nous mettre d’accord.
Et un beau matin, après avoir garni de provisions mon
« entresol », qui était tout meublé, je partis avec mes deux
chevaux dans la direction de la vallée de Fresnj, et à Noël
j’étais à Los Angèles, à 800 kilomètres environ de San-Fran-
cisco.
Ce voyage eût été un enchantement à part quelques incon
vénients que je vais soumettre rapidement au lecteur.
Comme route, il n’en existait pas à cette époque. Il fallait
suivre auprès des lignes de chemin de fer un tracé obtenu par
le passage habituel de piétons ou voitures. Autour des villes,
cela encore était relativement praticable, mais, si plus loin le
terrain offrait quelques traces d’humidité^ ou si la voie du
chemin de fer se trouvait rétrécie par les ouvrages d’art, tels
que ponts ou tunnels, c’est alors que de grosses difficultés se
présentaient pour faire passer mon attelage.
D’autre part, ce pays privilégié attirait chaque année une
nuée de vagabonds, trimardeurs pour qui la vie d’un homme
pesait peu dans la balance de leur conscience. Pour un dollar
et même moins, ils vous auraient coupé la gorge, et s’ils
avaient su que dans une cachette de ma vciture se trouvaient
trois mille dollars en or, ma vie aurait été bien exposée. Mais
beaucoup de ces individus, vivant de maraudages et rapines,
voyageaient eux aussi dans des roulottes plus ou moins
confortables, et j’eus la présence d’esprit, au lieu de les fuir,
de prendre quelquefois contact avec eux et leur rendre quel
ques petits services, en déplorant devant eux ma misère
imaginaire.
Je trouvai même à faire des échanges de chevaux en cours
de route ; mais, quand je fus saturé de grand air et de vie
nomade, je pris le chemin du retour en passant par Santa