Page 35 - Vincent_Delavouet
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France au pays natal, les deux frères Guichon achetèrent
au Gouvernement canadien et à vil prix, d’immenses ter
rains, où ils se mirent à faire de « l’élevage », c’est-à-dire
de la reproduction des chevaux et bœufs, après y avoir
construit quelques bâtiments rudimentaires.
Trois ans après, la grande ligne du « Canadian Pacifie »
traversait la propriété des frères Guichon et cela lui donna
une énorme plus-value. Sur ces entrefaites Joseph Guichon
se maria et se retira d’avec son frère après partage. M. Lau
rent Guichon vendit tout son bétail, revint s’installer à
New-Westminster et c’est à ce moment que, poussé, entraîné
par des conceptions gigantesques, il jeta un regard sur un
terrain situé à quelques « milles », terrain n’ayant aucune
valeur, étant submergé par la mer à marée haute. Cette
étendue de terrain marécageux pouvait contenir de douze à
treize mille hectares.
C’est alors que M. Laurent Guichon entreprit un travail
cyclopéen, acheta pour un prix minime cette immense
étendue et entreprit d’en faire une « terre ferme ».
A cet effet, il recruta une armée de Chinois, fit creuser tout
le long de la mer un immense canal, en commençant du côté
de la rivière de Fraeser, de façon à faire écouler les eaux.
La terre tirée des fouilles formant une digue contre la mer,
il fit construire en même temps une forte écluse, afin que
les eaux à marée haute ne pénètrent pas dans ce nouveau
canal.
Quand ces travaux furent menés à bonne fin (et il fallut
plusieurs années pour en arriver là) et le terrain asséché,
drainé et converti en prairies, M. Guichon construisit une
douzaine de fermes sur cet emplacement, trois manufac
tures pour mettre en boîtes le saumon pêché dans la rivière,
une population nouvelle et empressée afflua en peu de temps.
Ce fut l’origine d’une ville de 7.000 habitants, dénommée
Port-Guichon, dont M. Guichon pouvait être fier d’avoir
été le fondateur et où il me racontait tout bonnement et
simplement ses travaux, comme si cela eût été l’ouvrage
d’un autre.
Je restai une quinzaine de jours l’hôte de ce Monsieur,
qui s’était pris d’amitié, je dirais même d’affection, pour