Page 35 - Vincent_Delavouet
P. 35

— 29
            France au pays natal, les deux frères Guichon achetèrent
            au Gouvernement canadien et à vil prix, d’immenses ter­
            rains, où ils se mirent à faire de « l’élevage », c’est-à-dire
            de la reproduction des chevaux et bœufs, après y avoir
            construit quelques bâtiments rudimentaires.
              Trois ans après, la grande ligne du « Canadian Pacifie »
            traversait la propriété des frères Guichon et cela lui donna
            une énorme plus-value. Sur ces entrefaites Joseph Guichon
            se maria et se retira d’avec son frère après partage. M. Lau­
            rent Guichon vendit tout son bétail, revint s’installer à
            New-Westminster et c’est à ce moment que, poussé, entraîné
            par des conceptions gigantesques, il jeta un regard sur un
            terrain situé à quelques « milles », terrain n’ayant aucune
            valeur, étant submergé par la mer à marée haute. Cette
            étendue de terrain marécageux pouvait contenir de douze à
            treize mille hectares.
              C’est alors que M. Laurent Guichon entreprit un travail
            cyclopéen, acheta pour un prix minime cette immense
            étendue et entreprit d’en faire une « terre ferme ».
              A cet effet, il recruta une armée de Chinois, fit creuser tout
            le long de la mer un immense canal, en commençant du côté
            de la rivière de Fraeser, de façon à faire écouler les eaux.
            La terre tirée des fouilles formant une digue contre la mer,
            il fit construire en même temps une forte écluse, afin que
            les eaux à marée haute ne pénètrent pas dans ce nouveau
            canal.
              Quand ces travaux furent menés à bonne fin (et il fallut
            plusieurs années pour en arriver là) et le terrain asséché,
            drainé et converti en prairies, M. Guichon construisit une
            douzaine de fermes sur cet emplacement, trois manufac­
            tures pour mettre en boîtes le saumon pêché dans la rivière,
            une population nouvelle et empressée afflua en peu de temps.
            Ce fut l’origine d’une ville de 7.000 habitants, dénommée
            Port-Guichon, dont M. Guichon pouvait être fier d’avoir
            été le fondateur et où il me racontait tout bonnement et
            simplement ses travaux, comme si cela eût été l’ouvrage
            d’un autre.
              Je restai une quinzaine de jours l’hôte de ce Monsieur,
            qui s’était pris d’amitié, je dirais même d’affection, pour
   30   31   32   33   34   35   36   37   38   39   40