Page 31 - Vincent_Delavouet
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Bref, cette histoire fantastique de mon compatriote m’in
téressa à tel point que je résolus d’aller lui rendre visite
et de l’interviewer si possible pour connaître le secret ou
plutôt les moyens employés par lui, pour arriver à un pareil
résultat, afin d’en faire éventuellement mon profit. Dès le
lendemain, je mis mon projet à exécution : je quittai mon
« European Hôtel » et me rendis à New-Westminster, à une
vingtaine de kilomètres de là, où j’avais chance de le ren
contrer, puisqu’il y possédait trois hôtels.
A New-Westminster, il me fut dit que M. Laurent Guichon
était en ce moment sur ses fermes, à un centre créé par lui
et portant d’ailleurs son nom : Port-Guichon. Ce fut encore
une vingtaine de kilomètres à franchir par bateau le long
de la côte>
Ma curiosité était éveillée à tel point que, arrivé à huit heures
du soir, à Port-Guichon, je ne pus remettre au lendemain
ma visite et c’est à cette heure plutôt tardive, et sans avoir
même pris de nourriture, que je me présentai à l’une de ses
fermes, à tout hasard.
Ce sont les Chinois, en général, dans ce pays, qui servent
de domestiques. Ce fut,, en effet, l’un de ces exotiques qui
me reçut et me demanda, même assez brusquement, ce que
je lui voulais, à M. Guichon, son maître.
J’hésitai pour remettre ma visite au lendemain, quand le
bruit de notre altercation fit venir M. Guichon lui-même,
un grand et beau vieillard de 65 ans environ, à la figure
ouverte et affable, qui me tendit spontanément la main et
me fit entrer aussitôt que je lui dis être son compatriote.
Notre conversation ce soir-là fut un peu à bâtons rom
pus, donnant une large part au souvenir de notre chère
France. Je lui expliquai en quelques mots pourquoi j’étais
venu en Amérique, le résultat inespéré obtenu en si peu de
temps et ne lui cachai pas la curiosité intense que j’avais
éprouvée à Vancouver, lorsqu’on m’avait parlé d’un compa
triote ayant fait fortune sur la terre étrangère. Puis je
m’excusai de mon mieux d’être venu le déranger à une heure
indue, en lui demandant s’il pourrait me recevoir le lende
main.