Page 28 - Vincent_Delavouet
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quette sur laquelle je ne dormais que d’un œil, afin de surveil
ler ma marchandise, mon argent, et surtout les gens patibu
laires, compagnons d’infortune échoués là, Dieu sait d’où.
Et cependant je n’eus, à cette époque, aucun sujet de plainte
contre ces ivrognes et gens sans aveu. Je ne fus jamais ni
molesté ni volé. Il est vrai que rien en moi ne ressemblait
à un capitaliste. J’eus encore la chance de voir en quelques
jours ma marchandise se changer en beaux dollars et c’est
ainsi que je vins un soir me présenter à la gare d’une petite
localité sise à plus de 10 kilomètres de Chicago, espérant
bien y passer la nuit.... à l’œil.
Chapitre VII
Un agent de la Compagnie « Express »
• Avril 1893.
Dans la gare de ce petit village, je vis un employé galonné
avec lequel je cherchai de suite à me lier ; je lui offris du
fil, des aiguilles afin qu’il me permette de passer la nuit
sur une banquette. Je me croyais en présence du « chef de
gare ». Il n’en était rien. Ce Monsieur était simplement un
employé d’une Compagnie indépendante de celle du chemin
de fer, mais s’y rattachant indirectement en ce sens qu’il
était chargé d’expédier et ds recevoir : colis, paquets, malles,
argent, valeurs à transporter d’un point à un autre sur
ladite ligne. (On reconnaît bien là le côté pratique et utili
taire des Yankees). Ma bonne mine et ma qualité de Fran
çais séduisirent aussi ce brave homme, à qui le travail dans
cette petite gare de banlieue devait laisser quelques loisirs.
Et, chose bizarre, sans pouvoir nous comprendre dans notre
langue, nous arrivâmes, par gestes et jeux de physionomie,
moi, à connaître son emploi, lui, à savoir que je tentais
la fortune avec la belle insouciance de la jeunesse.
La maison de mercerie avait glissé dans ma poche, lors