Page 29 - Vincent_Delavouet
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de mes derniers achats, un catalogue complet, que je fis^voir
à cet employé. Après en avoir pris connaissance, il m’expli
qua qu’il était très dispendieux de me réapprovisionner
moi-même dans cette maison de gros ; qu’il n’y avait qu’à
faire une commande écrite et me faire adresser dans la gare
la plus proche et contre remboursement, les marchandises
dont j’avais besoin. Il est certain que tout autre que moi
aurait été au courant de ce moyen d’achat, mais il ne faut
pas oublier que je débutai seulement dans le commerce et
n’en connaissais pas le premier mot. Ce brave employé ne
voulut jamais accepter le moindre pourboire, quoique se
chargeant d’écrire mon courrier ; il prévint aussi la gare de
Chicago d’avoir à m’expédier mes bagages ; je passai la nuit
à la gare dans un fauteuil confortable, et le lendemain je
continuai, dans le village et les environs, à écouler mon
stock de mercerie.
Le surlendemain, mes bagages arrivèrent, ainsi que ma
commande nouvelle : j’eus beaucoup de peine à faire accepter
à ce brave employé quelques pelottes de fil et paquets
d’aiguilles comme souvenir, et le quittai enchanté de savoir
que je n’avais plus qu’à aller toujours « en avant »!!!
Ne voulant pas tomber dans des redites et surtout dans
la banalité, je n’ennuierai pas le lecteur en lui racontant par
le menu mes pérégrinations de la suite.
Je suivais, comme point de repaire, la grande ligne du
« Northern Pacifie »; car, dans ces pays et à cette époque, les
seules routes praticables étaient encore celles existant
entre les rails de ses grandes voies. Je n’eus alors aucun
sujet de remarque digne d’attention ni aucun accident ou
contre-temps notable. Mon petit pécule s’arrondissait ;
j’avais augmenté mon stock de nouvelles espèces de mar
chandises (la bijouterie en doré), qui avait tout l’air d’être
appréciée de mes clients et me donnait des bénéfices très
intéressants.
Vancouver, novembre 189X
Bref, après avoir « trimardé » six mois le long de cette
grande ligne du Northern Pacifie, après avoir parcouru près
de cinq mille kilomètres tantôt à pied, tantôt en chemiu