Page 34 - Vincent_Delavouet
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                travail surhumain et quelle volonté de fer, il fallait avoir,
                pour essayer d’entreprendre le ravitaillement à dos de mulet
                de ce « Much Channel » en franchissant les 700 kilomètres
                d’obstacles qui le séparaient de New-Westminster. On ne
                parlera que comme mémoire des intempéries et d’un froid
                de 30° qui fait fendre le bois et produit même ce faisant
                une déflagration curieuse.
                  C’est cependant ce que ces hardis compagnons entre­
                prirent. Deux restèrent sur place, afin de se procurer le
                terrain nécessaire pour construire des hangars fermés devant
                abriter les futurs approvisionnements. Deux autres repar­
                tirent en sens inverse et emportèrent une somme considé­
                rable, pour faire leurs provisions. Leur fortune, composée
                des économies faites par ces quatre amis, de 1855 à 1863,
                se montait alors à environ trois cent cinquante mille francs !!!
                  Tout se passa à souhait : les deux prospecteurs restés
                sur place trouvèrent du bois en abondance pour construire
                de vastes hangars hermétiquement clos ; les deux autres
                arrivèrent sans encombre à New-Westminster, achetèrent
                soixante mulets, les chargèrent de toutes espèces de provi­
                sions et mirent à profit tout l’été pour franchir les 700 kilo­
                mètres qui les séparaient de leurs compagnons. Tout ne se
                passa pas sans incidents sans doute, mais la chance voulut
                que les soixante mulets et les deux compagnons arrivassent
                sains et saufs avec leur caravane au complet.
                  Inutile d’ajouter que tout cela se vendit au poids de l’or
                (c’est le cas de le dire) et que, enhardis par ce premier succès,
                ils n’attendirent pas le mauvais temps et l’entrée de l’hiver
                pour retourner au point d’origine « cousus d’or ».
                  L’année suivante, non seulement ils se mirent en marche
                avec cent vingt mulets, mais, grâce à certains travaux de
                nivellement entrepris par le Gouvernement Canadien, le
                sentier étant un peu plus praticable, ces deux pionniers
                purent faire deux voyages de ravitaillement.
                  Je laisse à penser les bénéfices qu’ils eurent à se partager.
                  Pendant onze années, nos quatre amis continuèrent d’ex­
                ploiter ce « filon », jusqu’au jour où la concurrence se mit
                de la partie et qu’ils décidèrent de dissoudre l’association.
                Chacun prit la part lui revenant. Les Giroux revinrent en
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