Page 111 - Vincent_Delavouet
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Il existait bien quelques routes, mais elles s’arrêtaient à
         l’entrée de ces forêts inextricables, où se trouvaient ces
         fameux terrains.
           Une partie de mon acquisition était dans des fourrés
         tellement impénétrables, que je renonçai à me risquer, seul,
         à aller les visiter, surtout après avoir constaté que ces
         forêts fourmillaient de serpents, et que certains marécages
         servaient de repaire à des quantités de crocodiles.
           Je fis cependant les démarches nécessaires pour m’en­
         tendre avec des nègres de la région, pour voir s’il serait
         possible de défricher et mettre en valeur ces terrains vierges ;
         mais je compris que, si je ne restais pas sur place pour les
         surveiller, le travail ne se ferait pas convenablement.
           C’est pourquoi je préférai échanger ces terrains impratica­
         bles contre d’autres mieux situés, et, après ces échanges,
         ventes et ristournes, il me reste encore environ quinze hec­
         tares de terrain, que je conserve comme une poire pour la
         soif.
           Je vais raconter succinctement ce que je vis et appris
         sur les mœurs et coutumes de ce pays de la Floride.
           Il serait comparable à notre Côte d’Azur, si le climat était
         moins chaud l’été. Pour l’Européen, l’été il est inhabitable;
         à part quelque brise venue de la mer, qui tempèrent un peu
         le climat ; le soleil est aveuglant, surtout en se reflétant sur
         le sable brillant et blanc comme du sel. Il faut se munir de
         lunettes fumées, pour ne pas avoir les yeux atteints. Tous les •
         fruits exotiques viennent en abondance, excepté le café et la
         canne à sucre. Il faut d’ailleurs employer des engrais chi­
         miques pour féconder cette terre sablonneuse. Les serpents,
         les moustiques pullulent.
           Comme mœurs, il est interdit aux Noirs d’habiter dans
         les villes occupées par les Blancs, autrement que comme
         domestiques. Les Noirs ont leurs villages spéciaux, où ils
         sont groupés. On les emploie aux travaux de culture ; mais,
         je le répète, il faut les surveiller pour obtenir d’eux un ren­
         dement. A part la culture, il y a aussi l’exploitation des bois,
         mais qui n’est pas comparable à celle du Canada. C’est la
         Floride qui alimente de légumes et de fruits, l’hiver, les
         Etats-Unis et le Canada. Les ananas sont cultivés en grand;
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