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670 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
marchands en gros, à un prix que le mar ticuliers de revendre ce qui excédait leur
chand pouvait d’abord fixer de gré à gré, consommation.
mais qui,plus tard, fut soumis à un tarif mo Comme la fraude pour le sel était facile
bile, pour lequel le muid de Paris servait et très-commune, on eut recours aux mesures
d'étalon. Les marchands en gros le reven les plus vexatoires et les plus odieuses pour
daient, tantôt directement aux consomma 1 empêcher. Les faux-sauniers étaient pu
teurs, tantôt, et le plus souvent, à des dé nis avec une extrême rigueur. Pour faci
taillants appelés regratliers. liter la répression, on accordait au délateur
le tiers du corps du délit. Enfin le grene-
Nous avons pensé que l’on trouverait ici ticr, juge dans sa propre cause, prononçait
avec intérêt le dessin de l’un des anciens en première instance sur tous les différends
greniers à sel de Paris. 11 existe encore au relatifs aux gabelles.
jourd’hui, au n° 42 de la rue Saint-Germain Les fermiers de l’impôt du sel ne se con
l’Auxcrrois, près du théâtre du Châtelet, tentaient pas de fixer arbitrairement le prix
une partie, admirablement conservée, d’un du sel, de le doubler selon leur convenance
ancien grenier à sel. Le fronton de l’édifice et selon les provinces ; ils forçaient les con
subsiste entièrement, et est seulement mas tribuables à prendre chaque année un poids
qué par des constructions. Les portions in déterminé de sel. La consommation forcée
férieures du bâtiment ont disparu; mais il s’ajoutait au monopole !
n’a pas été difficile au dessinateur de réta Pour assurer l’exécution de ces règles, les
blir approximativement leur aspect. fermiers de gabelles enrégimentaient une
armée d’employés, qui organisaient un es
La ligure 388 représente cet intéressant pionnage intolérable. Les gabelous, les am
monument, figure qui est dessinée et gravée bulants^ comme on les appelait, et comme
pour la première fois (1). Mais revenons à on les appelle encore, exerçaient leur inqui
notre sujet. sition avec une rigueur qui n’avait d’égale
Chaque habitant était tenu de renouveler que la haine qu’ils excitaient parmi les gens
tous les trois mois sa provision de sel. En du peuple. Les droits sur le sel variaient con
outre, il était formellement interdit aux par- sidérablement d’une province à l’autre ; de
là une contrebande qui s’exerçait sur une
(1) On lit ce qui suit à propos de ce grenier A sel dans
les R cherches cri ù/ues sur Pari- du sieur Joilht, ouvrage grande échelle, et qui se faisait au grand
publié en 1782 : « Il y avait près le Châtelet une maison jour, souvent à main armée. Le peuple se
appelée anciennement la m»ùo i de la marchandise de sel,
dont la rue de la Saulnerie a pris son nom. 11 fut ensuite joignait aux faux-saul"iers, pour se venger
placé dans la rue Saint-Germain, entre la place des Trois- du fisc.Bien équipés et bien montés, les faux-
Maries et la rue de l’Arche-Jlarion : il paraît qu’il était
situé des deux côtés de la rue, mais les bâtiments n’étant sauniers se réunissaient par bandes de trois
pas assez commodes, on lit en IG 8 acquisition d’une cents à quatre cents hommes, et forçaient
grande maison qui dès le xnr siècle appartenait à l’abbaye les lignes de ces douanes intérieures.
de Joy-en-Val, par la donation que lui en avait faite Bar
thélémy de Roye, chambrier de France, fondateur de cette Quelquefois les soldats du roi prenaient part
abbaye La maison abbatiale ayant été réunie en IG!)' à l’é eux-mêmes à ces expéditions de grand
vêché de Chartres en compensation des démembrements
qu’on en avait faits pour former l’évêché de Blois, on chemin.
prefita de cette occasion pour transférer le grenier à sel Le gouvernement, comprenant la cause
dans cette maison : c’est pourquoi sur la façade des bâti
ments qui furent refaits, à côté des armes du roi on sculpta de ces désordres, aurait pu y remédier, en
celles de M. P. Godet des Marais, alors évêque de Chartres, forçant les fermiers généraux à supprimer
et celles de l’abbaye de Joy-en-Val. On distingue encore
les trois corps de batiment sous les noms de Grenier-du- les abus; mais il ne songeait qu’à réprimer
Soleil, Grenier-l’Évêque, Grenier-l’Abbaye. » la contrebande par la force. Les moindres