Page 671 - Les merveilles de l'industrie T1
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INDUSTRIE DU SEL.                                6G7


         auprès des agronomes les plus célèbres et les plus   et il constate que tous ces essais ont donné
          honorés de ces deux pays, les opinions et li s faits   de mauvais résultats.
          propres à m’éclairer sur l’emploi du sel en agricul­
          ture, et j’ai cherché à obtenir des commerçants ou   Le savant naturaliste conclut en ces
         des producteurs de celle matière tous les rensei­  termes :
         gnements qui me semblaient pouvoir jeter quelque
         lumière sur l’étendue de cet emploi dans la prati­  « D’après toutes ces observations il me paraît évi­
          que agricole.                             dent que l’emploi du sel comme engrais a été lar­
           « La lecture de quelques ouvrages anglais, dont   gement essayé en Angleterre; que les expériences
          l’autorité est souvent invoquée par les publicistes   à ce sujet, commencées en grand il y a plus de
          qui chez nous attaquent l’impôt, m’avait d’abord   trente ans, se renouvellent encore aujourd’hui, mais
          porté à croire que la vertu fertilisante du sel était   que les résultats ainsi obtenus n’ont jamais été assez
          réputée un fuit incontestable par les agriculteurs   satisfaisants pour assurer la durée de celle pratique ;
          de l’Angleterre, et que son utilité comme engrais   que nulle part, dans la Grande-Bretagne, le sel, con­
         était aujourd’hui démontrée par une longue expé­  sidéré comme principe ferlilisan I, n’a répondu d’une
          rience. Mais cette prévention favorable a reçu une   manière continue à l’attente des agriculteurs, et
          première atteinte, lorsque, à ma grande surprise,   que, malgré son bas prix extrême, on n'en fuit aucun
         j’ai reconnu que tous les témoignages reproduits   usagerégulier (1). »
         journellement par les prôneurs de celte denrée da­
          taient de celte époque où les essais en grand étaient
          rendus impraticables par l’élévation de l’impôt.
          Depuis que ces expériences sont devenues faciles et
         nombreuses, elles n’ont fourni à ces écrivains aucun
                                                                CHAPITRE XX
         argument nouveau à l’appui de leur thèse, et ce­
          pendant leurs ouvrages se réimpriment souvent, et
                                                    LES GABELLES SOÜS L’ANCIENNE MONARCHIE FRANÇAISE.—
          sont annoncés au public comme étant l’expression
                                                      l’impôt DU SEL EN FRANCE, SOUS LE GOUVERNEMENT RE­
         de l’état actuel de nos connaissances agricoles.
                                                      PRÉSENTATIF. — RÉDUCTION DE L’iMPl.T DU SEL EN
           « En poursuivant ces investigations, je ne tardai
                                                      1848. — l’impôt du sel sous napoléon ni. — l’en­
          pas à remarquer aussi que la plupart des hommes
                                                      quête SUR LES SELS PUBLIÉE en 1809.
          d’État, des savants ou des agriculteurs pratiques à
          qui l’on demandait si le sel était employé pour l’a­
          mendement des terres, répondaient: « Certaine­  Dans le chapitre qui précède, nous avons
          ment il doit l’être, car on l’a beaucoup préconisé,   parlé incidemment de l’impôt du sel et des
          et le droit a été aboli pour en permettre l’usage ; »
          mais pas un ne disait : « Oui, le sel est employé en   difficultés qu’il a fait naître. Nous ne pou­
          grand dans l’agriculture anglaise, j’en suis sûr; je   vons terminer cette Notice sans exposer les
          l’ai vu employer dans la pratique ordinaire de la   phases intéressantes, et souvent dramatiques,
          culture ; j’en fais moi-même uue consommation ré­  de l’histoire de cet impôt, qui eut toujours
          gulière. »
            « Enfin, toute incertitude a cessé dans mon esprit   en France le privilège d’exciter les haines
          lorsque je suis revenu de celte longue tournée dans   populaires. 11 semble que le sel ne devrait
          les districts agricoles les plus célèbres de l’Angle­  pas être plus sujet à l’impôt que l’eau ou le
          terre et de l’Ecosse sans avoir pu trouver un seul
                                                    pain ; mais, d’un autre côté, cet impôt est
          homme pratique qui eût persévéré pendant un
          temps un peu long dans l’emploi du sel à litre d en­  excessivement léger, ou pour mieux dire, il
          grais. J’ai consulté à ce sujet une foule de cultiva­  est tout à fait insensible, vu la faible propor­
          teurs; la question a été posée aux correspondants
                                                    tion de sel que consomme chaque individu,
          du journal agricole le plus répandu et le plus estimé
          de l’Angleterre (I). »                    Gouvernants et gouvernés auraient donc pii
                                                    facilement s’entendre quant à la redevance
            Ici M. Milne-Edwùrds rapporte les résul­  sur S?tte denrée. Malheureusement, il n’en
          tats de la longue enquête qu’il a ouverte   fut pas ainsi. Cette coiîfl’'ùtion, en appa­
          auprès des agriculteurs anglais qui ont fait   rence si aisée, n’a jamais pu s’établir. Un u‘s
          des essais sur l’utilité du sel comme engrais,
                                                    commerce, par M. Milne-Edwards, membre de l’institut,
           (1) Rapport sur la production et l’emploi rlu sel en An­  pages 4G-48, in-4. Paris, 1Imprimerie nationale.
         gleterre, adressé à M. le Ministre de l’agriculture et du   (I) Ibid.
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