Page 668 - Les merveilles de l'industrie T1
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                   — plus encore si on le veut. Quelle conclu­  rects sur cette même question. M. Péligot,
                   sion en tirerons-nous? Que certaines plantes   le savant professeur de chimie du Conser­
                   se trouvent bien du sel, et que si l’expérience   vatoire des arts et métiers, a publié en 1872
                   a prononcé, il n’y a qu’à s’incliner. Mais ce   les résultats d’expériences très-attentives sur
                   sont là des cas bien rares, des exceptions   le rôle du sel marin dans l’agriculture.D’après
                   toutes locales. On ne pourra jamais pré­  M. Péligot, le sel marin est une cause de
                   tendre que le sel marin puisse être un    stérilité, il arrête la végétation quand il est
                   engrais véritable, c’est-à-dire une substance   employé en trop grande quantité.
                   d’une efficacité générale et assurée. La pro­
                   position contraire serait plutôt vraie, à sa­  « Lorsqu’on applique le sel en trop grande quan­
                                                             tité, dit M. Péligot, la végétation est complètement
                   voir que le sel est l’ennemi de toute cul­
                                                             arrêtée; mais lorsque le sol a été lavé par les pluies
                   ture.                                     et que peut-être il a été en partie décomposé par
                     M. Becquerel père a fait sur l’emploi du   l’humus, il donne, pendant les années suivantes,
                   sel dans l’agriculture des expériences qui   beaucoup de force à la végétation. Lorsqu’on en
                                                             répand une petite quantité sur un terrain riche, il
                   prouvent que le sel présente des résultats des
                                                             produit un effet sensible, mais de courte durée; en
                   plus variables dans son action sur les plantes;   revanche, cet effet est absolument nul lorsque cette
                   que tantôt il excite la végétation et tantôt il   petite quantité a été étendue sur un terrain ap­
                                                             pauvri (1). »
                   l’arrête.
                     M. Becquerel a constaté que la présence du
                                                               M. Péligot a prouvé d’un autre côté que
                   sel dans le terrain, retarde la germination des
                                                             la soude existe beaucoup plus rarement
                   plantes, et peut même quelquefois détruire
                                                             qu'on ne le pense dans les plantes. Les ana­
                   l’embryon (1) ; que d’autres fois, au contraire,
                                                             lyses nombreuses de cendre de plantes que
                   le sel stimule la vitalité des plantes, au point
                                                             ce chimiste a publiées dans une série de mé­
                   de les épuiser rapidement et d’amener leur
                                                             moires lus à l’institut depuis l’année 1857
                   mort (2).
                                                             jusqu’en 1873,ont beaucoup modifié les idées
                     On a reconnu, d'un autre côté, que le de­
                                                             que l’on se faisait autrefois sur le rôle des
                   gré d’humidité du sol influe considérable­
                                                             substances minérales dans l’agriculture, et
                   ment sur les effets du sel ; que dans un sol
                                                             entre autres choses, quela soude ne peutpas,
                   humecté d’eau le sel n’a pas d’action nui­
                                                             comme on l a toujours cru, se substituer à
                   sible, mais que quand la sécheresse arrive,
                                                             la potasse dans la contexture d’une plante.
                   le sel peut produire des effets désastreux.
                                                               Un fait très-curieux résulte d’un nouveau
                     Le sel doit donc être considéré, d’après
                                                             mémoire lu à T Académie des sciences par
                   les expériences de M. Becquerel, comme un
                                                             M. Péligot, le 5 mai 1873. C’est que des
                   agent agricole d’une action très-variable, et
                                                             plantes arrosées avec du sel marin ou de l’a­
                   qui peut devenir facilement nuisible dans
                                                             zotate de soude n’absorbent pas les sels de
                   la grande culture. Dans tous les cas il n’a
                                                             soude, tandis qu’elles absorbent la potasse.
                   rien qui justifie l’engouement extraordinaire
                   qu’il a inspiré à une certaine époque en    « Lneplante arrosée périodiquement, pendant tout
                   Erance et en Angleterre.                  le temps nécessaire à son développement, avec de
                                                             l’eau tenant en dissolution du sel marin ou de l’a­
                                                             zotate de soude, exhale-t-elle une certaine quantité
                     Les expériencesde M.Becquerel remontent
                                                             de soude, et emprunte-t-elle au sel d’autres élé­
                   à plus de vingt ans ; mais nous possédons   ments ?
                   des renseignements plus récents et plusdi-  « Pour résoudre cette question, on a semé au mois
                    (1) Des engrais inorganiques, page 207.   (1) Comptes rendus de l’Académie des sciences, 2e se­
                    (2) Ibidem, page 213.                    mestre, 1872.
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