Page 668 - Les merveilles de l'industrie T1
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664 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
— plus encore si on le veut. Quelle conclu rects sur cette même question. M. Péligot,
sion en tirerons-nous? Que certaines plantes le savant professeur de chimie du Conser
se trouvent bien du sel, et que si l’expérience vatoire des arts et métiers, a publié en 1872
a prononcé, il n’y a qu’à s’incliner. Mais ce les résultats d’expériences très-attentives sur
sont là des cas bien rares, des exceptions le rôle du sel marin dans l’agriculture.D’après
toutes locales. On ne pourra jamais pré M. Péligot, le sel marin est une cause de
tendre que le sel marin puisse être un stérilité, il arrête la végétation quand il est
engrais véritable, c’est-à-dire une substance employé en trop grande quantité.
d’une efficacité générale et assurée. La pro
position contraire serait plutôt vraie, à sa « Lorsqu’on applique le sel en trop grande quan
tité, dit M. Péligot, la végétation est complètement
voir que le sel est l’ennemi de toute cul
arrêtée; mais lorsque le sol a été lavé par les pluies
ture. et que peut-être il a été en partie décomposé par
M. Becquerel père a fait sur l’emploi du l’humus, il donne, pendant les années suivantes,
sel dans l’agriculture des expériences qui beaucoup de force à la végétation. Lorsqu’on en
répand une petite quantité sur un terrain riche, il
prouvent que le sel présente des résultats des
produit un effet sensible, mais de courte durée; en
plus variables dans son action sur les plantes; revanche, cet effet est absolument nul lorsque cette
que tantôt il excite la végétation et tantôt il petite quantité a été étendue sur un terrain ap
pauvri (1). »
l’arrête.
M. Becquerel a constaté que la présence du
M. Péligot a prouvé d’un autre côté que
sel dans le terrain, retarde la germination des
la soude existe beaucoup plus rarement
plantes, et peut même quelquefois détruire
qu'on ne le pense dans les plantes. Les ana
l’embryon (1) ; que d’autres fois, au contraire,
lyses nombreuses de cendre de plantes que
le sel stimule la vitalité des plantes, au point
ce chimiste a publiées dans une série de mé
de les épuiser rapidement et d’amener leur
moires lus à l’institut depuis l’année 1857
mort (2).
jusqu’en 1873,ont beaucoup modifié les idées
On a reconnu, d'un autre côté, que le de
que l’on se faisait autrefois sur le rôle des
gré d’humidité du sol influe considérable
substances minérales dans l’agriculture, et
ment sur les effets du sel ; que dans un sol
entre autres choses, quela soude ne peutpas,
humecté d’eau le sel n’a pas d’action nui
comme on l a toujours cru, se substituer à
sible, mais que quand la sécheresse arrive,
la potasse dans la contexture d’une plante.
le sel peut produire des effets désastreux.
Un fait très-curieux résulte d’un nouveau
Le sel doit donc être considéré, d’après
mémoire lu à T Académie des sciences par
les expériences de M. Becquerel, comme un
M. Péligot, le 5 mai 1873. C’est que des
agent agricole d’une action très-variable, et
plantes arrosées avec du sel marin ou de l’a
qui peut devenir facilement nuisible dans
zotate de soude n’absorbent pas les sels de
la grande culture. Dans tous les cas il n’a
soude, tandis qu’elles absorbent la potasse.
rien qui justifie l’engouement extraordinaire
qu’il a inspiré à une certaine époque en « Lneplante arrosée périodiquement, pendant tout
Erance et en Angleterre. le temps nécessaire à son développement, avec de
l’eau tenant en dissolution du sel marin ou de l’a
zotate de soude, exhale-t-elle une certaine quantité
Les expériencesde M.Becquerel remontent
de soude, et emprunte-t-elle au sel d’autres élé
à plus de vingt ans ; mais nous possédons ments ?
des renseignements plus récents et plusdi- « Pour résoudre cette question, on a semé au mois
(1) Des engrais inorganiques, page 207. (1) Comptes rendus de l’Académie des sciences, 2e se
(2) Ibidem, page 213. mestre, 1872.