Page 667 - Les merveilles de l'industrie T1
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INDUSTRIE DU SEL. 663
Emploi du sel dans V alimentation des livres de fourrage ordinaire, et autres asser
bestiaux. — Que les animaux soient friands tions de la même espèce. Le sel est utile ou
de sel, c’est un fait sur lequel nous avons nuisible selon les conditions de l’animal ;
déjà insisté. Mais ce goût une fois satisfait, et il nous paraît, au fond, plus souvent
l’animal se trouve-t-il toujours bien d’une nuisible qu’utile.
nourriture salée? 11 est permis d’en douter. Emploi du sel comme engrais. — Nous
Pour des animaux qui broutent des her arrivons à la véritable question, à l’examen
bages venus dans des sols marécageux, de l’efficacité du sel pour l’amélioration des
dans des contrées insalubres, des prai terres.
ries basses, des vallées humides, le sel est Quand on a vécu de bonne heure, comme
certainement utile. Mais, en règle générale, l’auteur de cette Notice, sur les bords de la
quand les bestiaux sont bien soignés, bien Méditerranée, et que l’on a vu la stérilité
nourris à l’étable ou à l’herbage, ils n’ont la plus morne être le caractère distinctif de
aucunement besoin de sel. On se trouve bien toute terre avoisinant les plages ;—quand on
seulement d’en donner de temps à autre aux sait qu’un terrain imprégné de sel est con
animaux qui sont insuffisamment nourris, ou damné à rester improductif ; — quand on a vu
qui broutent des herbages de qualité mé les efforts et les dépenses que l’on fait pour
diocre. Mais il ne faut pas oublier que, pour dessaler les terrains imprégnés de chlorure
l’animal, le sel est surtout un excitant agréa de sodium, si l’on veut les mettre en culture ;
ble ; que si on lui en donne souvent, ce — quand on se rappelle que les anciens,
goût s’émousse ; et qu’une alimentation salée, dans leurs lois criminelles, prescrivaient de
passée à l’état d’habitude, perd de son effi semer du sel sur le champ d’un homme con
cacité. Le mieux est donc de s’en rapporter damné, afin de frapper sa terre de stérilité ;
à l’instinct de l’animal lui-même ; et pour — que les agriculteurs depuis l’antiquité jus
cela, d’avoir dans l’étable quelques blocs de qu’à notre siècle ont été unanimes à considé
sel, que les moutons ou bœufs vont lécher, rer le sel comme nuisible aux plantes, et que
quand ils le jugent agréable ou nécessaire. ce n’est que de nos jours qu’on a préconisé
N'oublions pas que pour un animal plé son usage comme engrais, — on a quelque
thorique, sujet à la congestion de quelques peine à comprendre que le sel ait jamais pu
organes importants ou aux inflammations, être mis au rang des agents fertilisateurs.
le sel est contre-indiqué. N’oublions pas Nous ferons cependant abstraction de nos
non plus, qu’à certaines doses, le sel marin préjugés particuliers; nous devons croire
est purgatif pour les animaux, et qu’à doses que les agriculteurs qui ont vanté le sel
plus fortes il devient un poison. 300 à 375 comme engrais, avaient quelques bonnes
grammes de sel purgent un cheval, 1,000 à raisons, quelques faits sérieux à invoquer.
1,500 grammes le tuent ; 500 grammes pur Admettons, en conséquence, avec eux, que
gent un bœuf, 1,500 à 2,500 grammes l’em les polders hollandais doivent une partie de
poisonnent; 60 à 90 grammes purgent le leur fertilité au voisinage de la mer — que
mouton ou le porc, 180 à 200 grammes le des fumiers composés avec de l’eau de mer
tuent. valent mieux que ceux que l’on fait avec
Il faut donc beaucoup rabattre de l’opi de l’eau douce — que les vieilles saumures
nion des agriculteurs qui voyaient dans l’a de harengs sont considérées, en Normandie,
limentation salée du bétail une panacée, un comme de bons amendements des terres —
remède à tous les maux, qui criaient sur les et qu’il en est de même pour les résidus des
toits qu’une livre de fourrage salé vaut 10 mines de se] en Allemagne et en Pologne