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662 MERVEILLES DE. L’INDUSTRIE.

surprise la violence de ces polémiques. On
ne s’expliquerait même pas la longue du­
CHAPITRE XIX
rée et le grand retentissement de ces discus­
sions, si l’on ne savait combien il est facile
EMPLOI DU SEL DANS L’AGRICULTURE. — LE SEL COMME
ALIMENT DES BESTIAUX. — LE SEL COMME ENGRAIS. —
d’agiter notre légère et impresionnable na­
RÉSULTATS DE l’f'NQUÊTE EXÉCUTÉE EN ANGLETERRE PAR
tion quand le levier s’appuie sur le terrain
M. M1LNE-EDWARDS SUR L’UTILITÉ DU SEL DANS l’aGRI-
CULTURE. — NULLITÉ DU RÔLE ACTUEL DU SEL MARIN de la politique. On peut maintenant juger
DANS L’AGRICULTURE DE LA GRANDE-BRETAGNE. — RÉ­
de cette question avec calme et sincérité.
SULTATS CONSTATÉS EN FRANCE. — EXPÉRIENCES DE
Pour examiner judicieusement la ques­
M. BECQUEREL. — EXPÉRIENCES RÉCENTES DE M. PÉLIGOT
tion de l’emploi du sel en agriculture, et
SUR L’INEFFICACITÉ DU SEL COMME ENGRAIS.
par conséquent l’équité ou l’iniquité de l’im­
Aucune question n’a été agitée avec au­ pôt qui frappe cette denrée, il est essentiel
tant de passion que celle de l’emploi du sel d’examiner à part : 1° l’emploi de cette
marin dans l’agriculture. En Angleterre, substance comme aliment du bétail 2° son
a ers 1820, un mouvement extraordinaire se emploi comme engrais des terres. Cette
manifesta dans toutes les classes de la popu­ distinction, les auteurs des mille et un dis­
lation contre l’impôt du sel. Le prétexte de cours et brochures qui furent prononcés ou
cette agitation, toute factice d’ailleurs, était imprimés de 1840 à 1848, ne l’ont jamais
la nécessité du sel pour l’agriculture. La faite. Ils ont ainsi, volontairement ou non,
véritable raison, c’était le désir légitime de embrouillé la question ; car ce qui peut être
déposséder du privilège de la perception des vrai pour le sel donné aux bestiaux, ne l’est
droits sur le sel et de la vente de ce produit, pas pour le sel employé comme engrais.
deux compagnies puissantes qui excitaient Cette perpétuelle confusion des deux
de grandes haines dans le pays parce qu’elles questions se remarque à chaque page d’un
abusaient extraordinairement de ce privi­ mémoire qui fit beaucoup de bruit en 1846,
lège, et allaient jusqu’à imposer aux pro­ et qui était dû à l’un des plus fougueux cham­
vinces anglaises de l’Inde, l’usage du sel pions de la liberté de l’industrie du sel, à
fabriqué en Angleterre! M. Demesmay, député du Doubs. Ce travail,
La mauvaise humeur contre les exploi­ qui a pour titre : Opinions des hommes poli­
tants des salines alla grandissant en Angle­ tiques, des savants, des agronomes et des
terre ; des brochures furent répandues par agriculteurs, sur l’utilité du sel pour les
toute la Grande-Bretagne ; des meetings s’or­ plantes et pour les animaux (l), est constellé
ganisèrent. Sous cette pression universelle de citations de toute sorte d’auteurs qui ont
le gouvernement dut céder, l’impôt du sel fait mention du sel dans leurs écrits. Seu­
fut absolument aboli en 1824. lement presque tous ces auteurs font allu­
En France, de 1840 à 1848, la question sion à l’utilité du sel pour l’alimentation
de l’impôt du sel devint une machine de du bétail, et non à son rôle comme engrais.
guerre dirigée par l’opposition contre le gou­ Le député du Doubs englobe tous ces ar­
vernement. Rien ne saurait donner l’idée de guments, sans aucune distinction, pour en
l’ardeur, et presque toujours de l’injustice, faire honneur à son idole. Nous suivrons
avec laquelle on attaquait les ministres de une autre voie ; nous distinguerons ce qu’il y
Louis-Philippe, sous le prétexte de l’aboli­ a à distinguer, et par là nous serons juste,
tion d’un impôt, disait-on, inutile et vexa- et nous serons clair.
toire. Aujourd’hui le calme s’étant fait
(1) Brochure de 62 pages in-8. Paris, librairie agricole-
dans les esprits, on considère avec quelque de Dusacq.