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666 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
salés, c’est d’examiner l’usage qu’on en fait à l’amendement des terres, ou à la nourrilure des
depuis que liberté entière a été accordée à bestiaux furent réduits à deux schellings et demi
par boisseau; et on permettait même la livraison
tous d’en faire largement usage. On sait
en franchise à la condition d’y mêler une certaine
qu’en France, en 1848, l’impôt du sel fut proportion de suie, de cendres ou de fumier. A
supprimé pour les usages de l’agriculture, cette époque, les brochures et les articles de jour
naux en faveur de l’emploi du sel abondaient de
à condition de le dénaturer. Les agriculteurs
toutes paris; l’attention publique était vivement
ont donc pu faire usage en toute liberté de excitée et quelques agronomes commencèrent aus
cette précieuse manne. Or, la consomma sitôt des essais relatifs à l’influence de cet agent
tion du sel pour l’agriculture n’a pas sen dans l'amendement des terres. L’année suivante, la
quantité de sel livrée à l'agriculture, sous le béné
siblement augmenté, en France, depuis la fice des clauses nouvellement introduites dans les
suppression de l’impôt sur le sel destiné aux lois de finances, ne s’éleva cependant qu’à 40,923
usages agricoles. Une fois aboli l'impôt du bushels, c’est-à-dire environ 1,000,000 de kilogr.
« En 1820, l’usage des engrais salés, loin d’aug
sel pour les usages agricoles, personne ne
menter, s’est réduit presque de moitié. Effective
s’est plus inquiété de ce prétendu engrais. ment, l’agriculture ne réclama que 23,333 boisseaux
C’est ce qui prouve combien peu se faisait de sel.
« En 1821, l’abandon du sel parles cultivateurs
sentir le besoin de cette réforme si impé
fut plus complet; ils n’en achetèrent que5,787 bois
rieusement réclamée. seaux.
« Enfin, dans le courant de l’année 1822, on n’em
Fait bizarre ! Le même résultat s’était pro ploya, dans toute l’étendue de la Grande-Bre.agne,
que 1,529 boisseaux de sel agricole.
duit en Angleterre. Nous avons dit que l’im
« Les avocats du sel attribuèrent cet échec com
pôt du sel fut aboli en Angleterre en 1825. plet aux droits qui, tout en é ant fort réduits, pe
La grande raison qu’on avait fait valoir, dans saient encore sur la vente de cette denrée, et le par
lement, cédant de nouveau à la clameur publique,
la Grande-Bretagne comme chez nous, pour
vota un dégrèvement beaucoup plus considérable..
l’abolition de cet impôt, c’était l’utilité, la La taxe établie sur le sel agricole, en 1823, ne fut
nécessité indispensable du sel pour l’agricul plus que de 0 deniers par boisseau; mais la vente
n’en fut guère activée,car nous voyons, par les docu
ture. Veut-on savoir maintenant quel emploi
ments officiels delà douane,quependanteette même
fit l’agriculture anglaise de ce sel, après année, l’agriculture n’en emploie que 9,346 bois
la suppression de tout impôt, alors qu’on seaux, et que, l’année suivante, la quantité destinée
l’offrait à vil prix? Cet emploi fut nul. Le aux mêmes usages est réduite à 4,451 boisseaux, c’est-
à-dire, à une centaine de quintaux métriques pour
sel que tout le monde réclamait, ou sem l’Angleterre et l’Ecosse réunies.
blait réclamer pour la culture des terres, ne « Depuis 1824, le commerce du sel est libre de
fut employé par personne. On peut juger toute entrave, il n’existe plus d’impôt sur celte ma
tière, et le prix en est tombé au plus bas; les agri
par là de son utilité.
culteurs anglais n’ont pas cessé de faire des essais
C’est ce qu’a mis parfaitement en évi sur son usage pour la préparation des terres ; les
dence, M. Milne-Edwards, le savant auteur publicistes préconisent toujours la puissance fertili
sante de cet agent, et les marchands de sel distri
du Rapport sur la production et l'emploi du
buent avec profusion des écrits faits pour en provoquer
sel en Angleterre, qui fut adressé en 1850, l’emploi. Mais en parcourant la Grande-Bretagne,
au Ministre de l’agriculture et du com tout observateur impartial ne tardera pas à recon
naître que nulle part l’emploi du sel, comme en
merce (M. Dumas). Voici les faits, pleins
grais, n’a pu s’introduire d’une manière perma
d’enseignements, qui résultèrent de l’en nente, et que, malgré vingt-cinq années d'expérience,
quête à laquelle M. Milne-Edwards se livra. le rôle de cet agent est resté non moins insignifiant
qu’il ne l’était à l’époque dont je viens de rappeler
« En 1818, dit M. Milne-Edwards, à la suite des l’histoire statistique.
grandes discussions parlementaires sur la question « Ma conviction à cet égard repose sur une lon
du sel, on vola un dégrèvement partiel en faveur gue série d’investigations poursuivies dans diverses
de l'agriculture. Les droits perçus sur le sel destiné parties de l’Angleterre et de l’Ecosse. J’ai recueilli