Page 672 - Les merveilles de l'industrie T1
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668                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


               vices principaux de l’ancienne monarchie   cette denrée sera fait à l’avenir par les offi­
               française, c’était la facilité avec laquelle les   ciers du roi.
               personnages les plus importants et les plus   Philippe de Valois, en 1331 et 1342, aug­
               considérés de l’Etat abusaient de la liberté   menta le taux de la vente du sel, et institua
               qu’on leur laissait, d’accroître le taux des   les greniers à sel.
               redevances et tailles qu’ils percevaient, en   Dans l’origine, les greniers à sel n’étaient
               vertu de la coutume et des privilèges dé­  autre chose que des bâtiments dans lesquels
              cernés par l’autorité royale. Les abus ne   on déposait, jusqu’à ce qu’il fût vendu, tout
               furent jamais plus criants, plus vexatoires,   le sel recueilli dans les salines, sous la sur­
               plus odieux, qu’à l’égard de l’impôt du sel,   veillance des préposés de la gabelle. Les offi­
              la gabelle, comme on l’appelait alors. De là   ciers des greniers à sel n’avaient alors d'autre
              souvent des troubles sérieux, de graves sédi­  mission que de recevoir le sel, de le vendre
              tions, des révoltes , qui allèrent jusqu’à   aux particuliers, et d’en percevoir le prix,
              amener de véritables batailles entre les   dont ils étaient comptables devant celle des
              troupes du roi et les habitants, joints aux   sept chambres des comptes, à la juridiction
              faux-sauniers, c’est-à-dire aux contreban­  de laquelle ils appartenaient. Mais la
              diers de sel. Nous allons raconter cet épi­  perception des droits de gabelle ayant oc­
              sode des annales historiques de notre pays,   casionné, sous le règne de Charles VI, des
              qui se rattache étroitement à notre sujet.  soulèvements populaires, ce prince, par une
                                                        ordonnance de 1398, institua un tribunal
                On ne saurait dire exactement à quelle   auprès de chaque grenier à sel. Ce tribunal,
              époque remonte l’établissement en France   composé de d’eux présidents, deux grene-
              de l’impôt du sel. Le mot gabelle est d’ori­  tiers, trois contrôleurs, un greffier, et de
              gine allemande (gabe, impôt, tribut) et il fut   quelques autres officiers, avait pour attri-.
              employé, à l’origine, pour désigner diffé­  butions de connaître, en première instance,
              rents impôts. On lit dans plusieurs anciens   des contestations qui pouvaient s’élever, soit
              auteurs, gabelle de vin, gabelle de drap. Ce­  sur le mesurage, soit sur la vente du sel, et
              pendant ce mot fut appliqué de très-bonne   de juger le faux-saunage, c’est-à-dire le
              heure au sel.                             crime de contrebande en fait de sel.
                La gabelle ne fut d’abord qu’une rede­    On appelait faux-sel celui qui était vendu
              vance imposée à leurs vassaux par les sei­  clandestinement hors des greniers royaux.
              gneurs de la féodali lé, qui vendaient au peuple   Le seul fait d’en avoir ainsi distribué, était
              le sel, au prix fixé par eux-mêmes. Elle de-   un crime puni, pour les hommes, de la peine
              vint une redevance royale, à partir du règne   des galères, et pour les femmes, de celle du
              de Louis X le Hutin. Ce n’était alors qu’une   fouet. L’appel des sentences rendues par les
              taxe de quelques deniers, qui représentait   greniers à sel, était du ressort de la Cour des
              la surveillance de l’Etat sur la production,   aides.
              le transport et la vente du sel, et qui servait   Le droit sur le sel fut élevé à 6 deniers,
              à rémunérer le roi des frais de l’exploitation   sous le roi Jean, sous prétexte d’adoucir la
              des salines. Le régime paternel, qui avait été   captivité du roi, de payer sa rançon, etc.,
              institué par Louis X, n’était donc qu’une   à 8 deniers sous Charles V, à 12 deniers
              véritable protection des intérêts des parti­  sous Charles VIL II fut augmenté encore
              culiers. Une ordonnance de ce roi porte   sous Louis XI, et porté à 20 livres par muid,
              que, vu les fraudes et exactions commises   sous François Ier.
              par les marchands de sel, le commerce de     Henri II afferma la vente du sel. A partir
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