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668 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
vices principaux de l’ancienne monarchie cette denrée sera fait à l’avenir par les offi
française, c’était la facilité avec laquelle les ciers du roi.
personnages les plus importants et les plus Philippe de Valois, en 1331 et 1342, aug
considérés de l’Etat abusaient de la liberté menta le taux de la vente du sel, et institua
qu’on leur laissait, d’accroître le taux des les greniers à sel.
redevances et tailles qu’ils percevaient, en Dans l’origine, les greniers à sel n’étaient
vertu de la coutume et des privilèges dé autre chose que des bâtiments dans lesquels
cernés par l’autorité royale. Les abus ne on déposait, jusqu’à ce qu’il fût vendu, tout
furent jamais plus criants, plus vexatoires, le sel recueilli dans les salines, sous la sur
plus odieux, qu’à l’égard de l’impôt du sel, veillance des préposés de la gabelle. Les offi
la gabelle, comme on l’appelait alors. De là ciers des greniers à sel n’avaient alors d'autre
souvent des troubles sérieux, de graves sédi mission que de recevoir le sel, de le vendre
tions, des révoltes , qui allèrent jusqu’à aux particuliers, et d’en percevoir le prix,
amener de véritables batailles entre les dont ils étaient comptables devant celle des
troupes du roi et les habitants, joints aux sept chambres des comptes, à la juridiction
faux-sauniers, c’est-à-dire aux contreban de laquelle ils appartenaient. Mais la
diers de sel. Nous allons raconter cet épi perception des droits de gabelle ayant oc
sode des annales historiques de notre pays, casionné, sous le règne de Charles VI, des
qui se rattache étroitement à notre sujet. soulèvements populaires, ce prince, par une
ordonnance de 1398, institua un tribunal
On ne saurait dire exactement à quelle auprès de chaque grenier à sel. Ce tribunal,
époque remonte l’établissement en France composé de d’eux présidents, deux grene-
de l’impôt du sel. Le mot gabelle est d’ori tiers, trois contrôleurs, un greffier, et de
gine allemande (gabe, impôt, tribut) et il fut quelques autres officiers, avait pour attri-.
employé, à l’origine, pour désigner diffé butions de connaître, en première instance,
rents impôts. On lit dans plusieurs anciens des contestations qui pouvaient s’élever, soit
auteurs, gabelle de vin, gabelle de drap. Ce sur le mesurage, soit sur la vente du sel, et
pendant ce mot fut appliqué de très-bonne de juger le faux-saunage, c’est-à-dire le
heure au sel. crime de contrebande en fait de sel.
La gabelle ne fut d’abord qu’une rede On appelait faux-sel celui qui était vendu
vance imposée à leurs vassaux par les sei clandestinement hors des greniers royaux.
gneurs de la féodali lé, qui vendaient au peuple Le seul fait d’en avoir ainsi distribué, était
le sel, au prix fixé par eux-mêmes. Elle de- un crime puni, pour les hommes, de la peine
vint une redevance royale, à partir du règne des galères, et pour les femmes, de celle du
de Louis X le Hutin. Ce n’était alors qu’une fouet. L’appel des sentences rendues par les
taxe de quelques deniers, qui représentait greniers à sel, était du ressort de la Cour des
la surveillance de l’Etat sur la production, aides.
le transport et la vente du sel, et qui servait Le droit sur le sel fut élevé à 6 deniers,
à rémunérer le roi des frais de l’exploitation sous le roi Jean, sous prétexte d’adoucir la
des salines. Le régime paternel, qui avait été captivité du roi, de payer sa rançon, etc.,
institué par Louis X, n’était donc qu’une à 8 deniers sous Charles V, à 12 deniers
véritable protection des intérêts des parti sous Charles VIL II fut augmenté encore
culiers. Une ordonnance de ce roi porte sous Louis XI, et porté à 20 livres par muid,
que, vu les fraudes et exactions commises sous François Ier.
par les marchands de sel, le commerce de Henri II afferma la vente du sel. A partir