Page 669 - Les merveilles de l'industrie T1
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INDUSTRIE DU SEL.                                665

          de juillet un nombre égal de haricots dans douze   séparé les matières solubles des matières
          pots à fleurs en terre poreuse, d’assez grande dimen­  insolubles. Les matières solubles composaient
          sion : la capacité de ces vases était de 13 à 15 li­
          tres; ils contenaient 20 à 23 kilogrammes de terre.   les 42 centièmes du salin de ces cendres. Or,
          Celle-ci avait été rendue homogène autant que pos­  voici ce que M. Péligot a constaté, en analy­
          sible par le pelletage.                    sant la partie soluble.
            « Chaque expérience a été faite en double; les
          pots numérotés I et 2 ont reçu chacun 10 litres   « J’avais à rechercher, dit M. Péligot, dans la par­
          d’eau de Seine; nos 3 et 4, 5 litres de la même eau   tie soluble de ces cendres, la soude introduite dans
          contenant I gramme de sel marin par litre et plus   le sol sous forme de chlorure ou d’azotate, en quan­
           tard 5 autres litres contenant 2 grammes ; nos 5 et 6,   tité relativement considérable, à peu près égale au
           15 grammes de chlorure de potassium; nos 6 et 8,   poids total des matières minérales que les plantes
           t5 grammes d’azotate de soude; nos 9 et 10,   avaient absorbées ; en raison de la surface des pots,
          15 grammes d’azotate de potasse; n°s 11 et 12,   la dose de ces sels ajoutée à la terre représente
           15 grammes de sulfate de magnésie et d’ammonia­  environ 3,000 kilogrammes à l’hectare. A aucun
          que, ces divers sels étant dissous dans les quantités   moment, les radicelles de la plante n’ont pu être
          d’eau indiquées ci-dessus.                 soustraites, par la pluie ou par l’arrosage, au con­
            « Dès le début, il a été facile de constater l’effet   tact de ces dissolutions qui s’accumulaient dans le
          pernicieux du sel marin sur la végétation, alors   sol au fur et à mesure des progrès de la végétation.
          même qu’on l’emploie à si faible dose : les plants   Cependant on voit, en jetant les yeux sur ce ta­
          soumis à son action étaient beaucoup plus chétifs   bleau, que le sel marin, l’azotate de soude ont été
          que les autres; les feuilles étaient jaunes et con­  absolument délaissés par les plantes; aucune des cen­
          trastaient avec la coloration vert foncé des autres   dres ne renferme de la soude.
          lots; la floraison s’est accomplie tardivement, et une   « Ce résultat m’a tellement surpris que j’ai d’a­
          des tiges a péri. Après la récolte, chaque lot (liges,   bord hésité à le publier, bien que les conditions
          feuilles et graines) pesait 75 à 100 grammes après   dans lesquelles il a été obtenu fussent de nature à
          dessiccation ; le poids de celui qui avait reçu le chlo­  m’inspirer quelque confiance : toutes les opéra­
          rure de sodium n’était que de 55 grammes.  tions, le dosage des dissolutions, leur emploi, la ré­
            « Après la levée des graines, on a conservé dans   colte, l’incinération, l’analyse des cendres, sont le
          chaque pot quatre tiges. Les pots étaient placés les   produit d’un travail exclusivement personnel. En
          uns à la suite des autres, en plein air, sans abri, re­  supposant que je me sois trompé en étiquetant les
          posant sur une longue planche en bois. A partir du   plantes ou leurs cendres, les conclusions resteraient
          28 juillet jusqu’au 14 septembre, ils ont été arrosés   les mêmes; dans ces expériences, qui ont été faites
          simultanément avec la même quantité d’eau soit   en double, toutes les cendres ont été analysées et
          pure, soit tenant en dissolution les diverses sub­  la soude ne s’est rencontrée dans aucune d’elles.
          stances salines à des doses déterminées; les arro­  « Ainsi, une plante qu’on arrose pendant qua­
          sages étaient plus ou moins rapprochés, selon les   rante-cinq jours avec des dissolutions de sel marin
          besoins de la plante en raison de la sécheresse ou   ou d’azotate de soude emprunte au terrain dans le­
          de la pluie; du 28 juillet au 23 août, chaque lot a   quel elle se développe les sels de potasse qu’elle y
          reçu cinq fois t litre d’eau contenant 1 gramme du   rencontre, et elle y laisse les sels de soude qu’on a
          sel employé; puis, à partir de cette époque, les   mis à sa discrétion (1). »
          plantes étant assez vigoureuses pour supporter sans
           inconvénient des doses plus fortes, on a employé   Il résulte de cette remarquable expérience
          2 grammes du même sel pour la même quantité   de M. Péligot, que le sel administré comme
          d’eau (soit de l’eau contenant deux millièmes) pour   engrais aux haricots, n’a pas même été ab­
          les cinq derniers arrosages. Le 14 septembre, les
          graines étant mûres, on a mis fin à l’expérience.  sorbé par la plante, puisqu’on ne retrouve
            « Après la dessiccation de chacun des lots à l’air   pas de soude dans ses cendres. Voilà qui
          et à l’étuve, l’incinération en a été faite à une tem­  jette de bien graves doutes sur le rôle du
           pérature très-ménagée. Le poids des cendres a   sel marin comme engrais.
           varié entre 10 et 1 4 pour 100 de matière sèche (1). »
                                                       Le meilleur moyen, du reste, de s’assurer
             En analysant ces cendres, M. Péligot a
                                                     si l’agriculture se trouve bien des engrais
            (1) Comptes rendus de VAcadémie des sciences, 1873,   (1) Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1873,
           1“ semestre, pages 115 et suivantes.      1" semestre, pages 1117-1119.
                  T. I.                                                            84
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