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INDUSTRIE DU SEL.                                 637

           en se concentrant pour venir enfin aboutir aux   tion entre les pièces préparatoires de chaque série
           cristallisoirs.                           se faisait directement à l’aide de vannes, mais l’ali­
             « Chacune de ces files parallèles, dont le nombre   mentation des meïos exige une disposition particu­
           est indifférent et déterminé seulement par la largeur   lière.
           du salin, comprend quatre pièces mesurant environ   « Entre la série des cabeceiros et celle des meios du
           20 mètres de longueur sur 12 mètres de largeur et   second étage, s’étend, à travers tout le salin et dans
           communiquant entre elles au moyen de petites   toute sa largeur, une rigole qui, au moyen de
           vannes s’ouvrant sur des rigoles qui traversent les   vannes d, reçoit l’eau évaporée dans les derniers
           chaussées. Ces pièces successives portent le nom de   chauffoirs. Sur cette rigole sont branchés de petits
           caldeiros, sobre cabeceiros, talhos, A, et cabeceiros, B;   canaux o, o, o (canejas), qui desservent isolément
           ces dernières, qui aboutissent immédiatement aux   chacun des meios de cima du 2e étage. Quant aux
           cristallisoirs, sont les plus importantes.  meios de baixo, ils tirent directement l’eau en sel
             «La série des quatre piécesqui se succèdent ainsi   des meios de cima par les vannes d.
           sur le salin est destinée à remplir les mêmes fonc­  «L’alimentation de l’autre groupe, ou 1er étage
           tions que les fares et les adernes dans nos marais de   (primeira andaina), a lieu par un moyen semblable.
           l’Ouest; mais tandis que, sur ces marais, le paludier   Entre les deux étages de cristallisoirs règne, sur
           se voit forcé, pour utiliser les pentes naturelles du   toute la largeur du salin, une nouvelle rigole qui
           terrain, de faire tourner les fares et les adernes au­  alimente les meios de cima et par suite les meios
           tour de la saline de manière à constituer à celle-ci   de baixo de cet étage, de la même façon que la ri­
           une ceinture de pièces évaporatoires, le saunier   gole alimente ceux du second, et qui elle-même va
           portugais, favorisé par l’inclinaison du sol, peut dis­  chercher dans les cabeceiros l’eau concentrée dont
           poser ces pièces en enfilade et obtenir, par consé­  elle a besoin, par une rigole qui se retrouve sur
           quent, un mouvement d’eau plus régulier, plus   chacune des chaussées séparant les groupes de
           simple et d’une surveillance plus facile.  meios correspondant à une même série de pièces.
             « A la suite de chacune de ces files de pièces éva-   « Lorsque, vers la fin de septembre, la récolte est
           poratoires, s’étend un double groupe de surfaces sa­  terminée, le marais est entièrement recouvert d’eau
           lantes; ces groupes sont, d’ailleurs, isolés l’un de   prise dans le réservoir d’abord et ensuite à la mer;
           l’autre; chacun d’eux est l’objet d’une alimentation   il passe l’hiver en cet état. Au printemps et dès le
           spéciale et constitue un jeu indépendant.  mois d’avril, le saunier (marouteiro ou marnoto) pro­
             « Chaque groupe est composé de six surface ssalan-   cède au nettoyage des salins. Aussitôt que le niveau
           tes de même dimension, recevant l’eau au même   du Vouga s’est suffisamment abaissé pour que l’on
           degré, remplissant au point de vue de la saunaison   n’ait plus à craindre de voir l’eau douce se mêler à
           le même rôle, et disposées trois par trois, en deux   l’eau de la mer, on commence par évacuer, à marée
           rangées parallèles et transversales. On les désigne   basse, toutes les eaux qui recouvrent le marais. Dans
           habituellement sous le nom de meïos.       la plupart des cas, les salins sont placés à un niveau
             «De six œillets ou meïos que comprend chaque   tel que cette évacuation peut se faire spontanément.
            groupe, trois, C, C, C ou bien E, E, E, que l'on désigne   Immédiatement après, on profite de la première
            sous le nom de meios de cima (d’en haut), servent   grande marée pour remplir complètement le réser­
            au dépôt des dernières portions de sulfate de   voir (viveiro). Cette prise d’eau est ensuite renouve­
            chaux; les trois autres, D, D, D, ou bien F, F, F,   lée, aux grandes marées, chaque fois que l’évapora­
            désignés sous le nom de meios de baixo (d’en bas),   tion sur le salin l’exige.
            sont destinés à recevoir le sel, au fur et à mesure   « L’écoulement de l’eau étant terminé, on procède
            de sa cristallisation. A l’extrémité de chaque file se   au nettoyage des chauffoirs et des cristallisoirs; à
            retrouvent ces deux groupes d’œillets (1) disposés   l’aide de râteaux légers, on ramasse sur le sol les
            côte à côte, formant ainsi quatre rangées transver­  boues, les herbes marines, etc., que l’hiver a laissées
            sales semblables. Pour distinguer ces groupes l’un   déposer, et on répare en même temps avec soin les
            de l’autre, on désigne sous le nom de primeira an­  murs et les chaussées.
            daina (1er étage) la série formée par les groupes   «Aussitôt que ce travail est achevé, les pièces pré­
            E, F placés à l’extrémité du salin; l’autre série   paratoires sont couvertes d’eau et l’évaporation
            formée par les groupes C, D rapprochés des cabe­  commence; mais l’appropriation des cristallisoirs
            ceiros est la secunda andaina (2e étage). Chaque meio   n’est pas encore complète, et, avant d’y faire dépo­
            mesure habituellement 12 mètres sur 4m,50; des   ser le sel, il faut en panser (curar) le fond. A Aveiro,
            chaussées de dimensions convenables les séparent,   en effet, le fond des cristallisoirs n’est pas protégé
            bien entendu, les uns des autres ainsi que des au­  par ce feutre végétal (casco) qui, à Sétubal, joue un
            tres pièces du salin.                     rôle si important.
              «J’ai indiqué précédemment que la communica-  « L’opération qu’il s’agit d’effectuer alors a pour
                                                      but de créer aux cristallisoirs un fond artificiel, sur
             (1) Lorsque le salin est faible, il ne comporte qu’un seul
            de ces groupes.                           lequel le sel puisse être recueilli sans être souillé
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