Page 643 - Les merveilles de l'industrie T1
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INDUSTRIE DU SEL. 639
dans les salines de Sétubal. On voit là, en est moins rapide que dans ceux du Portugal,
effet, ce qui ne se trouve dans aucune exploi c’est à la plus grande puissance du soleil
tation saunière. On introduit presque d’un qui chauffe ces derniers, et non aux procé
seul coup, sur un espace déterminé, tout le dés employés qu’il faut l’attribuer. Mais il
volume d’eau qui, dans le cours de la sai en est autrement pour nos marais de l’Ouest.
son, doit y être évaporé. En quelques se 11 faut donc rechercher si, dans tout ce que
maines, par l’action du soleil et du vent, nous avons décrit, quelque perfectionne
cette eau est amenée à siccité, et le saunier ment ne leur serait pas applicable.
obtient une récolte abondante et d’excel A priori, la comparaison semble bien dif
lente qualité, alors qu’il ne devrait avoir, ficile entre le climat si chaud de Sétubal
d’après ce qui se passe dans tous les au ou de Lisbonne, et le climat, si souvent
tres marais salants, qu’un produit renfer pluvieux et froid, des côtes de notre Océan.
mant 15 à 20 pour 0/0 au moins de sels On ne saurait, cependant, s’empêcher de
magnésiens. C’est la première récolte qui penser aux services que rendrait le tapis vé
doit nous arrêter; les deux autres, en effet, gétal qui recouvre les salins portugais, s’il
sont obtenues dans des conditions qui rap était possible de l’utiliser sur les cristalli
pellent beaucoup les méthodes ordinaires. soirs de l’Ouest. Or, M. Aimé Girard a fait
L’explication qu’a donnée M. Aimé Girard, cette remarque singulière que le feutre tend
du rôle absorbant ou dialyseur, selon l’ex à se produire sur le sol de nos marais de
pression scientifique moderne, du sol des l’Ouest.
marais de Sétubal, explique parfaitement, « Lorsqu’on étudie avec soin, dit M. Aimé Girard,
selon nous, cette particularité. Si le procédé les marais de l’ouest de la France, on est assez
de Sétubal n’est pas applicable aux marais de surpris de reconnaître qu’un feutre analogue au
feutre du Midi et au feutre portugais existe sur ces
Lisbonne, c’est que le sol de cette région n’a marais. On l’y rencontre en pleine végétation dans
pas la vertu absorbante élective, ou dialy- les pièces préparatoires, mais sur les cristallisoirs il
sajite, qui caractérise le sol de Sétubal. ne se retrouve plus. Au printemps, le paludier,
ignorant sans doute les services que ce feutre pour
M. Aimé Girard dans le mémoire que
rait lui rendre en permettant la récolte d’un sel
nous avons cité, cherche à établir quel en blanc et pur de matières terreuses, travaille l’œillet
seignement nos sauniers français peuvent de manière à y détruire toute trace de végétation et
à lui constituer un fond d’argile et de sable dont le
retirer de la connaissance des procédés por
sel récolté reste toujours souillé. Il y aurait un in
tugais. Il ne croit pas que les sauniers du térêt évident à tenter une expérience dans le sens
midi de la France aient rien à apprendre opposé, et à essayer une récolte au moins sur un
de ceux de Lisbonne ou de Sétubal ; mais il fond recouvert de feutre; le but à atteindre, la fa
brication d’un sel blanc et propre, qui reprendrait
pense que ceux de l’Ouest pourraient mettre
bientôt faveur sur les marchés, justifierait large
à profit l’excellente pratique du feutre vé ment toute tentative faite dans ce sens.
gétal, ou cozimento, qui rend de si grands « Le procédé suivi à Aveiro est d’une régularité
parfaite, et la conduite des marais y est extrême
services dans les marais de Lisbonne.
ment soignée. Cependant on ne peut qu’être surpris
Les puissantes compagnies du midi de la de voir, sous ce climat si semblable à celui de Lis
France entre les mains desquelles prospè bonne et de Sétubal, le saunier récolter son sel tous
les deux jours. La pluie ne semble pas devoir être
rent les salins de cette région, ont, comme
beaucoup plus fréquente dans l’une que dans les deux
nous l’avons déjà dit, introduit largement autres régions. Sans doute, si l’on permettait au sel
l’élément scientifique dans leurs exploita d’acquérir de l'épaisseur sur les cristallisoirs, le ren
tions, et transformé la fabrication du sel en dement ne serait peut-être pas beaucoup plus consi
dérable, puisqu’il atteint 500 tonnes par hectare de
une vaste opération chimique. Si dans les
table salante, mais les opérations se bornant alors à
salins du midi de la France la production 2 ou 3 récoltes, au lieu de 40 à 50, la main-d’œuvre