Page 638 - Les merveilles de l'industrie T1
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               en vingt jours environ, à la deuxième récolte; pour   Celui de la deuxième récolte est acheté par
               celle-ci, le saunier ne prend pas le soin de nettoyer   les pêcheurs de Terre-Neuve, pour la salai­
               le salin comme il l’a fait pour la première récolte.
               Ce soin, du reste, n’est pas indispensable, car, dans   son des morues.
               le réservoir lui-même, l’eau s’est, pendant les mois   Marais salants de Lisbonne. — Les marais
               précédents, concentrée et débarrassée de la plus   salants de Lisbonne, au nombre de 300 en­
              grande partie des matières insolubles. La deuxième
              récolte (secunda camadd) ne s’effectue pas dans la   viron, s’étendent sur les deux rives de la
              même condition que la première, elle a lieu sous   vaste baie qui forme l’embouchure du Tage,
              l’eau. Si les circonstances ont été favorables, la   de Lisbonne à Villafranca.
              couche de sel mesure 2 centimètres et se trouve
              recouverte d’une couche d’eau de hauteur à peu   Ces marais salants n’ont pas la disposition
              près égale. Les cristaux qui n’ont pas eu le temps   simple de ceux de Sétubal. Ils ressemblent
              de se nourrir sont plus petits que ceux de la pre­  à ceux du midi de la France. L’eau sa­
              mière récolte. Tous ces faits sont importants à noter   lée, prise à un vaste réservoir, circule,
              pour l’explication de la valeur relative des produits
                                                         en nappe peu épaisse, sur une série de
              obtenus.
                « Enfin, la deuxième récolte terminée, on tente   pièces préparatoires, où sa marche est cal­
              d’en obtenir une troisième, en opérant exactement   culée de telle sorte qu’après s’être débar­
              de la même manière. Cette troisième récolte, que
              l’on nomme raza, ne réussit pas toujours; elle con­  rassée, chemin faisant, des matières insolu­
              duit la saison jusqu’à fin septembre, et quelquefois   bles et du sulfate de chaux, elle arrive aux
              les pluies de l’automne viennent contrarier les opé­  cristallisoirs au moment précis où va com­
              rations. La couche de sel que fournit cette troisième   mencer le dépôt du sel dont elle est alors
              récolte ne dépasse jamais un centimètre d’épais­
              seur; on la recueille sous l’eau, comme la seconde,   surchargée.
              à l’aide d’un râble en bois.                 Le procédé suivi pour l’exploitation de
                « La saunaison étant terminée, le marais est immé­  ces marais n’est cependant pas aussi net que
              diatement inondé d’eau de mer, de manière à le re­
              couvrir d’une couche d’eau de 60 centimètres. Cette   celui dont font usage les sauniers du midi
              opération n’est pas, comme il semblerait naturel de   de la France. C’est, comme nous l’avons dit,
              le supposer, précédée de l’évacuation des eaux mères   une sorte de compromis entre ce dernier
              laissées sur les carrés par les trois récoltes qu’on   procédé et celui des sauniers de Sétubal.
              vient d’obtenir, et surtout par les deux dernières.
                « Le même fait se renouvelle d’ailleurs, chaque   Comme dans les marais français, l’eau, avant
              année ; les eaux mères sont toujours laissées sur le   d’arriver aux cristallisoirs, est concentrée
              marais, et les sels magnésiens, ainsi abandonnés
                                                         avec soin, et la récolte a lieu lorsque la table
              sur le salin, semblent devoir rendre bientôt toute sau­
              naison impraticable par leur accumulation. Il n’en   est chargée d’une couche épaisse de sel ;
              est rien cependant, et chaque année, malgré cette   mais, comme dans ceux de Sétubal, une
              coutume singulière, les marais de Sétubal fournissent   deuxième, quelquefois même une troisième
              de nouvelles récoltes dont l’abondance ne dépend
              que des conditions atmosphériques de la saison (1).»  récolte, succèdent à la première, et les eaux
                                                        mères ne sont pas rejetées hors du salin.
                Les sels de la première et ceux de la se­  Les marais de Lisbonne sont garnis,
              conde récolte de sel de Sétubal ne sont pas   comme ceux de Sétubal, d’un feutre (co-
              identiques. Ceux de la première récolte   zimento) ; mais cette végétation ne paraît
              sont d’une grande pureté ; ceux de la     pas avoir dans les salins de Lisbonne la
              deuxième et de la troisième récolte sont,   même importance que dans ceux de Sé­
              au contraire, chargés de chlorure de ma­  tubal. Ce revêtement végétal n’existe pas,
              gnésium. Le sel de la première récolte est   d’ailleurs, sur toutes les pièces, et se trouve
              vendu pour les salaisons à l’étranger, à   localisé dans les cristallisoirs et les pièces
              l’Angleterre, à la Russie, au Brésil, etc.  qui les avoisinent. En effet, soit que le sol
                                                         des salins de Lisbonne soit moins per­
                (1) Mémoire sur les marais salants du Portugal (An­
              nales du Conservatoire, 1872).            méable que celui des salins de Sétubal, soit
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