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632 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
sur le fond des carrés se développe une portas [<f, ÿ]), conduisent dans les carrés,
végétation qui bientôt le recouvre d’un ta lorsque le saunier le juge convenable, l’eau
pis continu, élastique en même temps que qui doit nourrir la récolte.
d’une remarquable ténacité. C’est ce que Chaque rigole alimente généralement
les sauniers de la Méditerranée appellent deux séries longitudinales de carrés, et le
le feutre, et ceux du Portugal le cozimento. nombre de ces carrés varie avec l’importance
Les sauniers de Sétubal attachent à la pré du salin [marrnha) ; il doit, naturellement,
sence de ce feutre une importance capitale. être proportionné à l’étendue du. réservoir.
Suivant eux, sans le feutre, aucune récolte Il y a ordinairement six à huit de ces carrés.
n’est possible, et les marais ne commencent En tête de chaque quadruple série de
à produire que quand son développement carrés est disposée une pièce préparatoire
est complet. M. Aimé Girard a prouvé, unique, de dimensions très-restreintes, par
ainsi qu’on l’a vu plus haut, que cette opi rapport à l’étendue du salin. Cette pièce,
nion est pleinement justifiée par les faits, C,C, désignée sous le nom de caldeira, ou
et que le feutre des salins de Sétubal joue chauffoir, mesure 20 mètres sur 64 mètres.
dans la production du sel un rôle d’une Sa surface représente à peine le cinquième
efficacité singulière. de l’étendue des surfaces évaporatoires aux
Quoi qu’il en soit,le marais en exploitation quelles elle correspond. C’est par l’inter
est disposé comme l’indique la figure 382. médiaire des caldeiras que le réservoir com
A, B, sont les réservoirs [viveiros) dont la munique avec les carrés par un canal ; mais
forme et les dimensions sont indifférentes. son rôle est peu important, et bien diffé
La seule condition à laquelle il faut veiller rent de celui que joue la longue série des
avec soin, c’est que ces réservoirs soient pièces préparatoires qui se succèdent sur
placés à un niveau tel qu’ils puissent être nos marais du Midi et de l’Ouest.
remplis à la marée haute par les eaux de La saison commence au mois de mai. A
la mer, et qu’à la marée basse ils puissent cette époque le marais est recouvert entière
déverser dans celle-ci, sinon la totalité, du ment d’eau, provenant de l’inondation que
moins la partie la plus importante de l’eau l’on y a pratiquée en y introduisant l’eau de
qu’ils contiennent. la mer à la fin de la campagne précédente,
Une vanne, e, établit la communication c’est-à-dire en septembre. C’est cette eau
du réservoir avec le salin. Celui-ci est divisé ancienne qui produit la première récolte de
en un nombre quelconque d’aires rectan l’année.
gulaires, F, F, D, D, qui ont toutes la même Nous laisserons parler ici M. Aimé Girard :
forme, la même dimension, qui jouent
exactement le même rôle et ne commu « Sous l’action des vents chauds et secs du nord-
niquent pas entre elles. Chacune de ces est, l’évaporation de ces eaux, dit M. Aimé Girard,
marche rapidement. Quarante jours environ suf
aires ou carrés [meïos) mesure de 100 à
fisent ordinairement pour les abaisser au niveau des
150 mètres de superficie. Leurs dimen chaussées et pour découvrir celles-ci. Les carrés se
sions sont, en général, de 10 à 12 mètres trouvent alors indépendants, et l’eau n’y peut plus
arriver que par les rigoles venant du chauffoir et
sur 12 à 14 ; leur profondeur varie de 15 à
du réservoir.
20 centimètres. Des chemins (marachào ou «A ce moment, l’eau marque déjà un degré élevé ;
barachio) mesurant de lm,20 à l‘“,50 les sé les matières insolubles se sont précipitées en même
parent les uns des autres, et au milieu de temps qu’une partie du sulfate de chaux. Quelque
fois même, au moment où les chaussées se décou
ces chemins s’allongent des rigoles [corre- vrent, le sel a commencé de s’y déposer. C’est
doures) qui, par de petites vannes [com alors que le saunier procède au nettoyage du sa-