Page 636 - Les merveilles de l'industrie T1
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632                  MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


              sur le fond des carrés se développe une   portas [<f, ÿ]), conduisent dans les carrés,
              végétation qui bientôt le recouvre d’un ta­  lorsque le saunier le juge convenable, l’eau
              pis continu, élastique en même temps que   qui doit nourrir la récolte.
              d’une remarquable ténacité. C’est ce que    Chaque rigole alimente généralement
              les sauniers de la Méditerranée appellent   deux séries longitudinales de carrés, et le
              le feutre, et ceux du Portugal le cozimento.  nombre de ces carrés varie avec l’importance
                Les sauniers de Sétubal attachent à la pré­  du salin [marrnha) ; il doit, naturellement,
             sence de ce feutre une importance capitale.   être proportionné à l’étendue du. réservoir.
             Suivant eux, sans le feutre, aucune récolte   Il y a ordinairement six à huit de ces carrés.
             n’est possible, et les marais ne commencent   En tête de chaque quadruple série de
             à produire que quand son développement     carrés est disposée une pièce préparatoire
             est complet. M. Aimé Girard a prouvé,      unique, de dimensions très-restreintes, par
             ainsi qu’on l’a vu plus haut, que cette opi­  rapport à l’étendue du salin. Cette pièce,
             nion est pleinement justifiée par les faits,   C,C, désignée sous le nom de caldeira, ou
             et que le feutre des salins de Sétubal joue   chauffoir, mesure 20 mètres sur 64 mètres.
             dans la production du sel un rôle d’une    Sa surface représente à peine le cinquième
             efficacité singulière.                     de l’étendue des surfaces évaporatoires aux­
               Quoi qu’il en soit,le marais en exploitation   quelles elle correspond. C’est par l’inter­
             est disposé comme l’indique la figure 382.  médiaire des caldeiras que le réservoir com­
               A, B, sont les réservoirs [viveiros) dont la   munique avec les carrés par un canal ; mais
             forme et les dimensions sont indifférentes.   son rôle est peu important, et bien diffé­
             La seule condition à laquelle il faut veiller   rent de celui que joue la longue série des
             avec soin, c’est que ces réservoirs soient   pièces préparatoires qui se succèdent sur
             placés à un niveau tel qu’ils puissent être   nos marais du Midi et de l’Ouest.
             remplis à la marée haute par les eaux de    La saison commence au mois de mai. A
             la mer, et qu’à la marée basse ils puissent   cette époque le marais est recouvert entière­
             déverser dans celle-ci, sinon la totalité, du   ment d’eau, provenant de l’inondation que
             moins la partie la plus importante de l’eau   l’on y a pratiquée en y introduisant l’eau de
             qu’ils contiennent.                       la mer à la fin de la campagne précédente,
               Une vanne, e, établit la communication   c’est-à-dire en septembre. C’est cette eau
             du réservoir avec le salin. Celui-ci est divisé   ancienne qui produit la première récolte de
             en un nombre quelconque d’aires rectan­   l’année.
             gulaires, F, F, D, D, qui ont toutes la même   Nous laisserons parler ici M. Aimé Girard :
             forme, la même dimension, qui jouent
             exactement le même rôle et ne commu­        « Sous l’action des vents chauds et secs du nord-
             niquent pas entre elles. Chacune de ces   est, l’évaporation de ces eaux, dit M. Aimé Girard,
                                                       marche rapidement. Quarante jours environ suf­
             aires ou carrés [meïos) mesure de 100 à
                                                       fisent ordinairement pour les abaisser au niveau des
             150 mètres de superficie. Leurs dimen­    chaussées et pour découvrir celles-ci. Les carrés se
             sions sont, en général, de 10 à 12 mètres   trouvent alors indépendants, et l’eau n’y peut plus
                                                       arriver que par les rigoles venant du chauffoir et
             sur 12 à 14 ; leur profondeur varie de 15 à
                                                       du réservoir.
             20 centimètres. Des chemins (marachào ou    «A ce moment, l’eau marque déjà un degré élevé ;
             barachio) mesurant de lm,20 à l‘“,50 les sé­  les matières insolubles se sont précipitées en même
             parent les uns des autres, et au milieu de   temps qu’une partie du sulfate de chaux. Quelque­
                                                       fois même, au moment où les chaussées se décou­
             ces chemins s’allongent des rigoles [corre-   vrent, le sel a commencé de s’y déposer. C’est
             doures) qui, par de petites vannes [com­  alors que le saunier procède au nettoyage du sa-
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