Page 635 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 635

INDUSTRIE DU SEL.                                 631


             M. Aimé Girard a vérifié cette supposi­  nom de sel de Sétubal, et par corruption de
           tion en soumettant à la dialyse, c’est-à-dire   Saint-Ubes.
           à la filtration au moyen d’une membrane     Rien de plus simple, ainsi que nous le di­
           animale, une solution de chlorure de so­  sions plus haut, que les marais de Sétubal.
           dium et de chlorure de magnésium. Le      Les immenses bassins que l’on voit dans
           dialyseur reposait sur une couche de sable   l’ouest et dans le midi de la France, sont ici
           mouillé par la même solution. M. Aimé     remplacés par un espace très-restreint, dans
           Girard a constaté que la proportion de chlo­  lequel l’eau séjourne, presque sans éprouver
           rure de magnésium augmentait dans le sa­  de mouvement, et qui fournit dans une seule
           ble et diminuait dans le dialyseur. C’est   année, deux et même trois récoltes de sel
           donc aux propriétés physiques du sol de   pur. Tout se réduit à un réservoir (yiveiro)
           Sétubal qu’il faut attribuer la faculté d’ab­  de dimensions quelconques, et à une série
           sorber les sels de magnésie. Nous revien­  d’espaces rectangulaires, sur lesquels a lieu
           drons tout à l’heure sur ce curieux phé­   directement la cristallisation, qui correspon­
           nomène.                                    dent à nos aires, œillets ou tables salantes,
             Le procédé suivi, sur les marais de Lis­  et qu’on désigne sous le nom de meïos.
           bonne, est une sorte de compromis entre le   La profondeur du réservoir est de 0m,60
           procédé de nos salines de la Méditerranée et   à 0m,80. Son étendue est variable, mais
           le procédé de Sétubal.                     proportionnée à l’étendue du salin qu’il
             A Aveiro, le procédé est le même que     doit alimenter. La forme en est indifférente,
           dans nos salines de l’Ouest.               et dépend uniquement du terrain dont le
                                                      saunier dispose.
             Après ces considérations générales nous    Ce réservoir communique, à l’aide d’une
           allons décrire successivement l’extraction   vanne, avec le ruisseau ou le chenal, qui
           du sel dans les marais salants de Sétu­    doit, à marée haute, y ramener l’eau de la
           bal, de Lisbonne et d’Aveiro. Nous pren­   mer; il communique de la même manière
           drons pour guide dans cet exposé un mé­    avec le terrain sur lequel doit s’opérer la
            moire publié en 1872, dans les Annales    cristallisation et qui constitue le salin pro­
            du Conservatoire des arts et métiers, par   prement dit.
            M. Aimé Girard, professeur de chimie in­    Quand on veut établir un marais salant,
            dustrielle au Conservatoire des arts et mé­  on creuse le sol de la plage à 50 ou 60 cen­
            tiers de Paris. Appelé en Portugal, en 1865,   timètres de profondeur, et on se sert des
            à l’occasion d’une exposition internationale,   déblais pour élever autour du marais, un
            M. Aimé Girard profita de cette mission   mur. On obtient ainsi une sorte de cuvette,
            pour étudier l’industrie saunière du Portu­  que l’on cloisonne ensuite au moyen de
            gal, et il a consigné les résultats de ses   chaussées élevées de 20 centimètres au-
            observations dans un mémoire qui va nous   dessus du fond, et se croisant à angle droit.
            permettre de donner une idée exacte des   Pendant un an on laisse le sol se dessécher
            procédés suivis dans les trois groupes sau­  et s’affermir, puis on introduit l’eau de mer
            niers énumérés plus haut.                 dans le marais, et on l’abandonne à lui-
              Marais salants de Sétubal. — C’est sur les   même. Deux ou trois ans s’écoulent ainsi
            bords de la baie du Sado, entre le port de   sans que l’on puisse songer à aucune récolte ;
            Sétubal et celui d’Alcacer-do-Sal, que se   quelquefois même, il faut attendre plus
            trouvent les marais, au nombre de 380 en­  longtemps encore. Pendant ce temps le sol
            viron, qui produisent le sel connu sous le   s’imbibe peu à peu, en même temps que
   630   631   632   633   634   635   636   637   638   639   640