Page 632 - Les merveilles de l'industrie T1
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628                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


           niais son principal débouché, c’est l’emploi   des eaux mères, dans les conditions qui lui
           que M. Merle en fait, dans son usine de Sa-   sont faites aujourd’hui par les gisements de
           lindres, près d’Alais, en le transformant en   Stassfürt, ne reste toujours une opération res­
           chlorate de potasse.                      treinte dans ses débouchés. Il n’en restera pas
             Le dépôt salin qui a été extrait des évapo-   moins à M. Balard et à ceux qui ont appliqué
           rateurs par la drague, est composé de sel ma­  et développé les principes posés par cet émi­
           rin et de sulfate de magnésie anhydre; c’est   nent chimiste, à M. Merle, à M. Levât et
           une espèce de sel mixte un peu trop riche en   MM. Agard et Dony, l’honneur d’avoir doté la
           sulfate de magnésie. On achève de le trans­  France d’une des plus remarquables appli­
           former en sel mixte par des additions de   cations de la chimie à la grande industrie.
           sel marin. On procède de même pour le        Les opérations successives que nous venons
           sulfate de magnésie qui est retiré des grands   de décrire, ne sont, en effet, autre chose que
           réservoirs bétonnés. La partie qui ne peut   des applications sur une échelle immense de
           être vendue directement (et c’est la plus con­  phénomènes observés dans les laboratoires de
           sidérable), est mélangée dans les proportions   chimie. L’industriedes eaux mères des marais
           voulues avec du sel marin, et ces divers sels   salants transporte au bord de la Méditerranée
           mixtes ainsi composés artificiellement, sont   le laboratoire du chimiste. Seulement, au
           traités comme le sel mixte ordinaire.      lieu d’opérer sur quelques litres d’eau ou
                                                      quelques kilogrammes de substances, on met
             Telle est la méthode pratiquée à Giraud et   en action des masses liquides dont l’évalua­
           qu’on pourrait appeler méthode industrielle   tion défierait tout calcul, et la matière du tra­
           des eaux à 36 degrés, par opposition à la   vail, c’est l’inépuisable réservoir de la mer.
           méthode salinière des eaux à 35 degrés, dont
           elle a emprunté les principes. La quotité des
           produits obtenus n’est pas considérable. Le
           salin de Giraud a l’énorme superficie de              CHAPITRE XIV
           1,900 hectares. On y produit 80,000 tonnes
                                                      l’industrie SAUNIÈRE EN PORTUGAL. — LES MARAIS SA­
           de sel par an, mais on en récolte seule­    LANTS DE SÉTUBAL, DE LISBONNE ET d’aVEIUO.— PARTI­
           ment 30,000 ; le reste, n’étant pas suscep­  CULARITÉS SINGULIÈRES DE l’eXTRACTION DU SEL DANS LES
           tible d’être vendu, faute de débouchés, est   BASSINS DU PORTUGAL. — EXPLICATION DE CE PHÉNO­
                                                       MÈNE DONNÉE PAR M. AIMÉ GIRARD. — DESCRIPTION DES
           laissé sur le sol. On est pourtant obligé de
                                                       MARAIS SALANTS DE SÉTUBAL, DE LISBONNE ET d’aVEIRO.
           faire déposer ces 80,000 tonnes de chlorure
           de sodium, pour pouvoir disposer des eaux    Après la description des salins du midi de
           mères provenant de leur évaporation. De    la France, nous parlerons de ceux du Portu­
            cette quantité d’eaux mères on retire, an­  gal. Ce pays est, en effet, le pays saunier par
            née moyenne, de 4,000 à 5,000 tonnes de   excellence. Ses marais salants ont une re­
            sulfate de soude hydraté et de 1,000 à 1,200   nommée séculaire. Pline parle du sel de
            tonnes de chlorure de potassium.          Cetobriga, qui n’est autre chose que le nom
              C’est une faible production si l’on considère   latin du port actuel de Sétubal.
            la puissance des moyens qu’on a mis en jeu   Les marais salants du Portugal produisent
            pour arriver à ce résultat. Aussi, bien que   chaque année, près de 250,000 tonnes de sel,
            l’industrie chimique pratiquée à Giraud soit   c’est-à-dire environ la moitié de ce que pro­
            prospère, dans une certaine, mesure, il est peu   duit la France. La moyenne de production
            probable qu’elle trouve des imitateurs, et il   de 1846 à 1865 a été de 470,000 tonnes.
            est à craindre que l’extraction des produits   Le sel du Portugal est employé aux salai-
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