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INDUSTRIE DU SEL.                                633

           que les eaux n’arrivent à son contact, sur   Toutes ces pièces sont séparées les unes des
           la table salante, que quand elles sont déjà   autres par des chemins ou chaussées de
           concentrées et épaisses, l’épuration de l’eau   1 mètre à 1 m,50.
           et la séparation des sels magnésiens ne s’o­  M. Aimé Girard décrit en ces termes la
           pèrent plus aussi nettement qu’à Sétubal.  fabrication du sel sur les marais de Lis­
             Le marais se compose d’abord d’un réser­  bonne :
           voir (viveiro) de forme quelconque, qui com­
           munique avec le Tage par une vanne, et qui   «Vers latin du mois de septembre, lorsque la der­
           est placé à un niveau tel qu’il puisse être   nière récolte de sel est enlevée, le saunier (marou-
                                                     teiro), sans renvoyer au fleuve les eaux mères que
           rempli à la marée haute, et laisser écouler à
                                                     les récoltes successives ont fournies, recouvre le salin
           la marée basse la plus grande partie de l’eau   en utilisant les eaux déjà concentrées dans les chauf­
           qui s’y trouve contenue. Ce réservoir doit   foirs, puis inonde le reste des marais à l’aide d’une
                                                     prise d’eau générale faite, un jour de grande ma­
           être de grandes dimensions, il faut qu’il con­
                                                     rée, par l’intermédiaire du viveiro.
           tienne assez d’eau pour alimenter aisément   « Le marais passe l’hiver en cet état ; vers la fin de
           le marais pendant quinze jours et même un   mai, ou au commencement de juin, le travail du sau­
           mois. C’est, en effet, aux grandes marées   nier commence. Son premier soin est de procéder au
                                                     nettoyage du salin; cette opération est de la plus
           seulement que l’on remplit ce réservoir ; sa   grande importance. A l’aide de moulins à bras, il
           profondeur est, comme à Sétubal, de 60 cen­  rejette dans les chauffoirs les plus rapprochés des
           timètres environ.                         tables l’eau qui recouvre celles-ci; puis, à l’aide
                                                     de râbles en bois, il débarrasse le fond, dont il
             Entre le réservoir et les tables s’étend la
                                                     évite soigneusement de blesser le feutre, des boues
           série des pièces préparatoires, dont le nom­  qui s’y sont déposées pendant l’hiver. Lorsque les
           bre et l’étendue sont à peu près indiffé­  tables sont propres, le saunier procède au net­
                                                     toyage des autres pièces, en rejetant successive­
           rents.
                                                     ment l’eau d’une pièce dans la pièce suivante, et
             On compte, en général, entre le réser­  évacuant enfin l’eau des réservas dans le viveiro. Ces
          voir et les tables salantes {talhos) quatre piè­  eaux doivent toutes être conservées soigneusement ;
                                                     pendant l’hiver, en effet, elles ont subi une évapo­
           ces principales. Celles-ci communiquent en­
                                                     ration notable, et marquent déjà un degré élevé.
           tre elles à l’aide de petites vannes, et la   « Quand le salin est entièrement approprié, on re­
           profondeur de chacune d’elles est d’une   met sur les tables l’eau des derniers chaufloirs {cal­
           palme (0m,22) environ. La première de ces   deira de mourar), en en faisant entrer d’un seul coup
                                                     une hauteur de 12 à t5 centimètres.
           pièces est la réserva de grandes dimensions,
                                                       «Cette eau, par l’évaporation de l’hiver, a acquis
           où l’eau, en même temps qu’elle se concen­  une grande concentration; aussi, peu de jours après
           tre, laisse déposer à l’état de boue les ma­  son introduction sur les tables, commence-t-on à
                                                     voir le fond se garnir de sel. C’ est vers la finde juin,
           tières insolubles, carbonates de chaux, etc.,
                                                     en général, que se produit cette saunaison. A partir
           dont elle était chargée. Viennent ensuite les   de ce moment, la formation du sel ne s’arrête plus;
           caldeiroes ou chauffoirs. On en compte, en   tous les deux ou trois jours, suivant la température
           général, deux, quelquefois trois, à la suite   et l’intensité du vent, on ouvre les vannes, et on
                                                     donne de l’eau aux tables. En même temps, bien
           les uns des autres, et tous de même dimen­  entendu, on remplace de la même manière l’eau
           sion. Puis vient, en dernier lieu, le chauf-   qui s’est évaporée à la surface des chauffoirs, et,
           foir principal, auquel on donne le nom de   pour cela, on fait circuler l’eau d’une pièce à l’au­
                                                     tre; quant à la réserva, elle est alimentée par le vi­
           caldeira de mourar (par corruption de mirar,
                                                     veiro. C’est de l’examen attentif du chaufloir, qui
           regarder). C’est le chauffoir où l’on examine   précède immédiatement les tables, que dépend le
           l’état de l’eau, avant de l’envoyer sur les   succès de la saunaison ; dans cette pièce se déposent
                                                     les dernières portions de sulfate de chaux, là aussi
           tables.
                                                     commence le dépôt du sel. La détermination du
             Celles-ci ont des dimensions fixes ; elles   point où ce dépôt devient assez abondant pour qu’il
           mesurent, en général, 22 mètres sur 6m,60.  convienne d’envoyer l’eau sur la table est bien ra­
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