Page 599 - Les merveilles de l'industrie T1
P. 599
INDUSTRIE DU SEL. 595
le fond de l’œillet. Si on voulait les rassem- ; âgée, y charge le sel. Puis le sac est em
bler en raclant le fond de l’œillet avec un porté par les plus vigoureux, qui vont le
rouable., on emporterait plus de vase que vider sur le mulon.
de sel. Il faut, pour recueillir les cristaux, La récolte du sel commence vers le
effleurer la vase qui les supporte, de façon à 15 juin et se continue jusqu’au 15 septem
éviter que le sel n’en soit mélangé. Le palu bre, interrompue seulement quelquefois par
dier se tient sur la digue, armé d’un rouable les pluies.
en bois de lm, 10 à lm,20 de largeur qui est Quand le sel a été rassemblé en muions, le
muni d’un manche de 5 mètres environ, paludier le bat sur toute sa surface, et ayant
pour pouvoir atteindre à tous les points de rendu, par ce battage, la croûte supérieure
l’œillet. Il pousse l’eau avec son rouable, à bien ferme, il couvre le tas de sel d’une
partir du pourtour de l’œillet. Le bourrelet couche de roseaux ou de chaume. A l’île de
d’eau qui marche devant le rouable, sou Ré, la couverture est formée d’une épais
lève et entraîne le sel, qui se trouve ainsi seur de 25 centimètres de chaume et d’ar
rassemblé peu à peu vers l’un des bords, gile.
presque sans avoir été touché par le rouable. Ainsi couvert, le sel subit un déchet, qui
Il faut, pour ce travail, une extrême légè provient de sa dessiccation à l’air et de la
reté de main. Il est indispensable d’éviter disparition des sels de magnésie, sels déli
d’atteindre le fond avec le rouable, car si on quescents, c’est-à-dire qui attirent l’humidité
le touche, même très-légèrement, la vase se de l’air, et qui s’écoulent ainsi, dissous par
met en suspension, et le sel en est souillé. l’humidité atmosphérique ou par les pluies
Comme le seul mouvement de l’eau suffit qui pénètrent à travers la couverture. Ce dé
pour soulever un peu de vase, le sel rassem chet est de 5 pour 0/0 la première année et
blé est toujours un peu sale. Le paludier va de 2 pour 0/0 les années suivantes.
donc travailler à un autre œillet, en at La bise qui favorise le plus la formation
tendant que l’eau du premier se soit éclair du sel, est celle de nord-ouest, qui souffle à
cie par le repos ; puis, au moyen du rouable, partir de midi ou de deux heures, sur la côte
il pousse un peu d’eau sur le sel rassemblé, de l’Ouest.
de manière à laver ce sel à plusieurs re La récolte est souvent interrompue par
prises. Ce lavage terminé, il tire le sel les pluies. Quelquefois elles sont si abon
sur le bord du bassin, au moyen de petits dantes et affaiblissent tellement les eaux
rouables. que le paludier, au retour du beau temps,
On laisse ordinairement égoutter le sel n’a rien de mieux à faire que d’évacuer les
toute la nuit ; puis on le porte, le lendemain eaux de la saline, pour les remplacer par
matin, sur les digues ou fossés, où on l’ac des eaux neuves prises à la vasière.
cumule en tas. Ces tas de sel portent, dans 11 est bien rare qu’on ait quinze jours de
l’Ouest, le nom de muions. On appelle va beau temps non interrompu dans toute une
ches les tas très-volumineux. campagne. Quinze jours de très-beau temps
Pour le portage, c’est-à- dire pour le trans sans pluie suffisent, du reste, pour donner
port du sel de l'œillet au mulon, toute la une excellente récolte. On ne tire guère de
famille du paludier est mise en. réquisition. sel, tout bien compté, que pendant trente à
Ce transport se fait ordinairement dans des quarante jours par an.
sacs contenant 40 à 50 kilogrammes de La récolte du sel est bien loin de marcher
sel. Les petits enfants tiennent le sac ou avec la régularité que suppose la description
vert, pendant que le frère ou la sœur plus précédente. Les variations atmosphériques