Page 598 - Les merveilles de l'industrie T1
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              dit, le paludier a introduit l’eau de mer dans  | très; dans la Gironde, 5 mètres sur 6.
              la vasière, ou le cobier, et vers le 15 mai il a   Pendant que le sel se dépose, le paludier
              fait pénétrer l’eau dans les compartiments  ! a le soin d’agiter avec son rouable, l'eau du
              qui lui font suite. Cette eau s’évapore un peu,   marais, ainsi que le sel qui s’y trouve dé­
              et gagne quelques degrés de concentration   posé. Le sel se forme toujours à la surface
              dans la vasière môme. On fait arriver l’eau   extérieure de l’eau; mais par l’agitation qu’a
              de la vasière progressivement sur le cobier,   soin de produire le paludier, la croûte mince
              les fares et les adernes. On arrive ainsi peu   de sel qui se montre à la surface, est préci­
              à peu à couvrir toute la saline d’une mince   pité eau fond, et le cristal grossit plus tard,
              couche d’eau, jusqu’aux œillets exclusive­ ; par la précipitation de nouvelles molécules
              ment. On a eu soin de bien préparer le fond   salines autour de ce noyau.
              de V œillet, de le nettoyer et d’enlever la   L’eau sort du cobier à 5 ou 6 degrés de
              vase, et d’en lisser le fond avec une pelle  ! l’aréomètre; elle atteint dans les couches 7 à
              plate.                                    8 degrés; elle présente dans les fares une
                Si le temps est favorable, l’évaporation   concentration croissante, qui s’élève, à l’ar-
              marche alors régulièrement.              ! rivée dans les adernes, à 16, 17 et 18 degrés.
                Le paludier doit constamment régler la     On recueille le sel tantôt tous les jours,
              progression de l’eau dans toutes les parties  । tantôt tous les deux jours. Si le temps est
              de la saline, d’après l’activité de l’évapora­  très-beau, ou si l’on tient à avoir du sel as­
              tion. Sur le cobier et les [ares, il s’étudie à   sez fin et très-léger, on tire le sel tous les
              ne mettre qu'une épaisseur d’eau aussi faible   jours. Si, au contraire, on veut un sel plus
              que possible. 11 cherche seulement à bien   grainé et plus compacte, on ne le récolte
              couvrir toutes les surfaces, de manière à les   que tous les deux jours.
              utiliser très-complètement pour l’évapora­   Quand on ne tire le sel que tous les deux
              tion. L’irrégularité du fond, toujours im­  jours, on introduit cependant une nouvelle
              parfaitement nivelé, force seule à mettre   provision d’eau de l’aderne dans l’œillet,
              sur certaines parties une épaisseur un peu   toutes les vingt-quatre heures. En même
              forte. Sur les parties les plus élevées, la   temps qu’on introduit cette provision d’eau
              couche n’a pas plus de I à 2 centimètres.  neuve, on agite, au moyen d’un rouable, l’eau
                Les œillets ont une étendue telle que le   et le sel déjà formé, afin, disent les palu­
              paludier, placé sur une des levées de terre   diers, de faire grossir le grain. C’est vers
              (/a dure'), puisse, avec son rouable, en attein­  le soir que se fait cette introduction d'eau
              dre toutes les parties. Ce rouable est une   neuve. Le sel menu qui s’était déjà formé
              planche en bois, d’environ un mètre de    se redissout ordinairement en partie pendant
              long, emmanchée perpendiculairement à     la nuit. Cela tient à ce que l’eau de Yaderne
              une tige de bois de 5 à 6 mètres de longueur.   est loin d’être saturée, puisqu’elle ne mar­
              C’est dire que les œillets ne dépassent guère   que en général que 17 à 18 degrés. Mais le
              la dimension d’un carré de 5 à 6 mètres de   lendemain le sel cristallise de nouveau plus
              côté. Nous avons dit que la surface d’un œillet   abondamment et en gros cristaux.
              dans le Morbihan ne dépasse pas 44 mètres
              carrés (6 mètres sur 7). A l’île de Ré, les œil­  11 s’agit alors de retirer du bassin le sel
              lets ont de 5 à 6 mètres de large sur 6 à 7 mè­  cristallisé. Cette opération est délicate et
              tres de long. Aux Sables-d’Olonne ils ont 6 à   demande une grande habitude, unie à beau­
              7 mètres de côté ; à Saint-Gilles (Vendée),   coup d'adresse. Les cristaux de sel reposent
              5 mètres sur 4; à Beauvoir, 6ra,6 sur 8 mè-  sur la vase excessivement molle qui forme
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