Page 526 - Les merveilles de l'industrie T1
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522                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                    le désignait sous le nom de Nitrum chez les   divers cas, la présence de ce sel, il est plus
                    Romains (d’où lui est venu son nom de Mi­  difficile d’expliquer son mode de formation.
                    tre). En Chine et en Asie, il était l’objet   A cet égard, les chimistes sont encore di­
                    d’une sorte de récolte. En Europe, il prit,   visés. Les uns admettent que le salpêtre ne
                    au vne siècle, le nom de Sel de pierre (Sal   peut se produire que sous l’influence des
                    pétris) ou Salpêtre, parce qu’il provient, en   matières animales azotées ; d’autres pré­
                    effet, d’une altération subie par les pierres   tendent que sa formation peut s’expliquer
                    calcaires. Quelques siècles après, le salpêtre   sans avoir recours à l’intervention de ces
                    acquit une grande importance par l’usage,   substances, et que les éléments de l’air
                    devenu général, de la poudre à canon.     suffisent pour se rendre compte de sa pro­
                      Ce sel se rencontre en abondance à la   duction.
                    surface des terrains, dans un grand nombre   Voici comment on peut expliquer dans la
                    de pays. Formé spontanément sur le sol, il   première théorie, c’est-à-dire par l’inter­
                    est dissous par les eaux pluviales, qui l’en­  vention des matières animales azotées, l’ori­
                    traînent le long des pentes, dans le fond des   gine du salpêtre.
                    vallées. Là, il pénètre dans l’intérieur du sol.   L’ammoniaque, qui est le produit de la
                    Plus tard, par un effet de la capillarité, et   décomposition putride de ces matières, est
                    quand le terrain se dessèche sous les rayons ,  absorbée, à l’état de dissolution aqueuse,
                    d’un soleil brûlant, cette dissolution remon­  dans les espaces capillaires des pierres
                    tant à la surface de la terre, s’y éva­   calcaires très-poreuses qui se rencontrent
                    pore et produit des efflorescences salines   dans les terrains, et qui renferment natu­
                    qui recouvrent le sol sur de grandes éten­  rellement de la potasse. La potasse peut,
                    dues. Il suffit de recueillir les terres cou- i  d’ailleurs, être apportée par les matières
                    vertes de ces efflorescences, de les lessiver   animales : l’urine et les excréments des ani­
                    et de les évaporer, pour obtenir le salpêtre.  maux renferment, en effet, une certaine
                      C’est ainsi qu’est préparé le salpêtre, qui j  quantité de cet alcali. Les pierres calcaires,
                    autrefois arrivait en Europe, en grandes j  étant poreuses, absorbent, condensent dans
                    quantités, des Indes orientales, de la Chine, I  leur substance de l’air, c’est-à-dire de
                    de la Perse, de l’Arabie et de l’Egypte.  l’oxygène. L’ammoniaque est alors oxydée à
                      L’azotate de potasse se forme également,   l’intérieur de la pierre, changée en eau et
                    mais en plus petite quantité, dans nos con­  en acide azotique, et l’acide azotique ainsi
                    trées. On le trouve dans tous les lieux ha­  formé se combine avec la potasse, d’où l’azo­
                    bités, bas, sombres et humides, et princi­  tate de potasse ou salpêtre.
                    palement dans ceux qui sont exposés aux     Il est hors de doute cependant que, dans
                    émanations animales, comme les étables,   quelques cas, la nitrification peut s’opérer
                    les écuries, les caves, les murs des habita­  sans le concours des matières animales. 11
                    tions et les lieux en ruines. L’azotate de   se forme, par exemple, du salpêtre à la sur­
                    potasse est, dans ces derniers cas, accompa­  face des plaines de sable qui couvrent des
                    gné d’azotates de chaux et de magnésie.   déserts immenses, là où nulle trace de ma­
                      Les plantes qui croissent près des mu­  tière organique n’a jamais existé. Il faut
                    railles. comme la pariétaire, la bourrache, j  bien admettre, dans ce cas, que l’acide azo­
                    la buglosse, la ciguë, le grand soleil, ren- j  tique s’est formé par les éléments de l’air
                    ferment abondamment de l’azotate de po­   qui se sont combinés sous l’influence cata­
                    tasse.                                    lytique, comme disaient Berzelius et Thénard,
                      Mais s’il est facile de constater, dans ces j  des pierres poreuses, et que cet acide azo­
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