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LES SOUDES ET LES POTASSES.                             519

           pas acquis une grande importance. En 1867,   froid, du sulfate de magnésie et du chlo­
           elle fournit 150 tonnes seulement d’un    rure de sodium contenus dans ces eaux.
           carbonate de potasse, d’une pureté remar­  Mais tout s’était borné à des études de labo­
           quable d’ailleurs, qui ne contenait pas   ratoire qui n’avaient amené aucun résultat
           plus de 4 pour 100 de carbonate de soude.   important au point de vue industriel. En
           Aussi, contrairement aux potasses de bette­  1844, M. Balard reprit la question. Il indi­
           raves qui sont plus recherchées des savon­  qua le parti que l’on pouvait tirer des eaux
           niers, comme nous venons de le dire, les   de la mer pour en extraire la potasse, en
           potasses extraites du suint sont-elles em­  s’adressant aux eaux-mères des marais sa­
           ployées de préférence pour la fabrication   lants, c’est-à dire aux eaux qui restent dans
           du cristal. '                             le marais salant après que l’on a extrait le
                                                     sel marin par l’évaporation et la cristallisa­
             Passons à l’extraction de la potasse des   tion naturelles.
           substances minérales qui la renferment.     M. Balard parvint a rendre pratique le
             Nous ne citerons que pour mémoire un    procédé signalé pour la première fois par
           procédé dû àM. Wardayant, et qui consiste   Scheele. Pendant les froids de l’hiver, il
           à extraire la potasse du feldspath (silicate   étendait sur de vastes surfaces les eaux mères
           double d’alumine et de potasse).          des marais salants. Ces eaux contiennent du
             On chauffe au rouge un mélange de feld­  sulfate de magnésie et du chlorure de so­
           spath, de spath fluor et de chaux. Par cette   dium. Sous l’influence de la basse tempéra­
           calcination, la potasse du feldspath se change   ture, en vertu de ces lois physiques que Ber-
           en fluorure de potassium. Ce sel, traité par   thollet a mises en lumière, et qui vont à
           la chaux, donne directement de la potasse   l’encontre des lois ordinaires de l’affinité,
           caustique.                                il se faisait un échange entre les bases et
             Ce procédé n’a pas eu d’application véri­  les acides. Du sulfate de soude prenait nais­
           tablement industrielle.                   sance et se précipitait, parce que le sulfate
                                                     de soude est insoluble dans l’eau refroidie
             Nous arrivons aux méthodes imaginées par   au-dessous de zéro. Dans l’eau froide restait
           M. Balard, pour extraire les quantités infi­  dissous le chlorure de magnésium.
           nitésimales de potasse qui existent dans l’eau   Seulement, et on le comprend, il ne fallait
           de la mer.                                pas laisser les matières en présence lorsque
             Résumons d’abord les antécédents de la   l’on revenait à une température plus éle-
           question.                                : vée ; car alors la réaction inverse se produi-
             Dès 1785 Scheele,et Grena en 1794, avaient  । sait et le sel marin était régénéré. On se
           constaté qu’en refroidissant une dissolution  ’ hâtait donc d’emporter le sulfate de soude,
           contenant du sulfate de magnésie et du sel   dès que sa précipitation était accomplie. Une
           marin, il se produit des cristaux de sulfate   nuit froide suffisait pour que cette décom­
           de soude, tandis que l’eau mère retient du   position s’effectuât sur d’immenses éten­
           chlorure de magnésium. Ces chimistes      dues.
           avaient reconnu également que les eaux      Rien n’est assurément plus curieux que
           mères des sources salées, abandonnées à   cette industrie qui a pour agent unique le
           l’action du froid, pendant l’hiver, laissent   froid d’une nuit d’hiver, et qui, en quel­
           déposer une grande quantité de sulfate de   ques heures, peut donner des millions de
           soude, dont la production est due à la dé­  kilogrammes de produit.
           composition réciproque, sous l’influence du   Cependant, comme dans le midi de la
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