Page 483 - Les merveilles de l'industrie T1
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LES SOUDES ET LES POTASSES. 479
bon sur ce sel, il se produirait de l’acide publié, en 1787, dans le Journal de physi
sulfureux et de la soude caustique que l’on que, plusieurs mémoires sur les phénomènes
pourrait transformer ultérieurement en relatifs à la cristallisation des sels neutres,
carbonate de soude par différents moyens. et divers autres travaux d’un ordre élevé
qui avaient attiré sur lui l’attention. Les
« Il y a, disait-il, une manière de faire cette dé recherches de Leblanc sur la formation des
composition du sel marin, qui serait très-sûre, cristaux ont été résumées par lui dans une
mais elle serait peut-être trop chère. Ce serait,
curieuse brochure publiée à la fin du siècle
dans des appareils convenables, de verser de l’acide
vitriolique sur le sel marin ; l’acide marin se dé dernier, qui a pour titre : la Cristallotechnie,
gagerait et passerait dans les ballons et le résidu et qui renferme les vues les plus originales
serait du vitriol de natron ou sel de dauber. On et les faits les mieux observés sur un sujet
décomposerait ensuite ce vitriol de natron en le
calcinant avec du charbon. L’acide vitriolique se que personne n’avait réussi à élucider avant
dégagerait sous forme d’acide sulfureux et le na cette époque, et qui n’a reçu depuis ce mo
tron demeurerait pur. On le dissoudrait dans l'eau,
ment que peu d’éclaircissements utiles.
filtrerait et ferait cristalliser....
« On pourrait ne pas perdre l’acide sulfureux pour Né en 1753, à Issoudun (Indre ), Nicolas
le reconvertir en acide vitriolique. Ce serait en Leblanc avait passé dans l’obscurité de sa
chauffant le vitriol et le charbon dans des vaisseaux ville natale les premières années de sa vie.
fermés, par exemple dans des cornues dont le col
En 1780, il parvint à obtenir à Paris une
aboutirait dans de grandes chambres semblables à
celles où l’on brûle le soufre..... position assez importante : il fut attaché,
« Peut-être l’acide vitriolique ne serait-il pas tout comme chirurgien, à la maison du duc
changé en acide sulfureux et qu’une portion le d’Orléans.
serait en soufre, ce qui formerait un hépar. Cet
hépar pourrait à la vérité être décomposé par Les expériences de de la Métherie, le prix
l’acide acéteux ou tout autre acide végétal et on proposé par l’Académie des sciences, enga
obtiendrait un sel acéteux de nalron ; et comme gèrent Leblanc à s’occuper de la recherche
cet acide se décompose très-facilement par le feu,
en chauffant ce sel acéteux on obtiendrait l’alcali d’un procédé pour la fabrication de la soude
pur; mais ces acides végétaux seraient dispen factice. Mais, chargé d’une nombreuse fa
dieux. » mille, peu favorisé de la fortune, il ne pou
vait, avec ses seules ressources, se lancer
Le procédé mis en avant par de la Mé : dans des expériences toujours coûteuses, et
therie était impraticable, parce qu’il repo d’une durée indéfinie : il s’adressa au duc
sait sur une erreur. Le sulfate de soude, d’Orléans.
traité par le charbon, ne se change pas, Le duc d’Orléans, homme fort éclairé,
en effet, en acide sulfureux et en soude, s’intéressait aux progrès des sciences. Versé
mais bien en sulfure de sodium, et ne peut lui-même dans la connaissance de la chimie,
servir, par conséquent, sans autre addition, il n’hésitait pas à encourager tous les travaux
à préparer du carbonate de soude. Mais, qui avaient trait à l’application de cette
bien que fondé sur une erreur, le moyen science nouvelle.- Nicolas Leblanc fut donc
proposé par le rédacteur du Journal de phy bien accueilli par le prince, qui lui accorda
sique était destiné à devenir le point de dé la somme nécessaire à l’exécution de ses re
part de la fabrication de la soude factice. cherches.
Mais ce ne fut pas sans de longs tâtonne
En 1789, vivait à Paris un chirurgien, ments, sans des essais nombreux et variés,
qui, doué de dispositions remarquables pour que Leblanc parvint au but important qu’il
la physique et la chimie, se livrait avec suc s’était proposé. La série des recherches suc
cès à la culture de ces deux sciences. Il avait cessives, exécutées dans cette vue, par l’au