Page 488 - Les merveilles de l'industrie T1
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484                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     fabriques du monde, sans modification no­  fet de la Seine, qui chargea Deyeux et Vau-
                     table (r).                                quelin de lui adresser un rapport à ce sujet.
                       Sur l’ordre du gouvernement, le procédé   Ce rapport fut favorable aux associés ;
                     de Leblanc fut rendu public, et chacun put   une ordonnance ministérielle fut rendue en
                     désormais le mettre librement en pratique.  ce sens. Malgré cela, il fut décidé, en dernier
                       Mais, en enrichissant la France de cette   ressort, que les comptes de l'État vis-à-vis
                     grande découverte, Leblanc et Dizé s’étaient   de Leblanc étaient suffisamment réglés par
                     ruinés du même coup. A dater du rapport   la restitution qui lui était faite, à titre gra­
                     de la commission du Comité de salut public,   tuit, de l’usine de Saint-Denis.1
                     la fabrication de la soude fut permise à    Cette décision injuste et inattendue, qui
                     chacun. Quant à l’usine de Saint-Denis,   donnait à Leblanc la liberté d’agir, mais
                     ruinée par la vente qui avait été faite aupa­  lui refusait les capitaux indispensables pour
                     ravant et de son matériel et de ses produits,   le faire, impressionna vivement lame, déjà
                     elle fut abandonnée.                      trop éprouvée, du malheureux inventeur.
                       Leblanc et ses associés reçurent-ils du   Combien d’efforts ne tenta-t-il pas pour
                     moins quelque indemnité pour compen­      triompher de sa pénible situation ! 11 n’ou­
                     ser les pertes énormes qu’ils venaient d’é­  blia rien pour assurer le succès de l'œuvre
                     prouver ?                                 capitale à laquelle il avait consacré sa vie,
                       Le 17 floréal an Vil, une décision minis­  et dont il comprenait tout l’avenir. Ses éco­
                     térielle mit Leblanc en possession de l’usine   nomies, le fruit de quelques travaux en­
                     de Saint-Denis. Dans l’opinion du ministre,   trepris au jour le jour, tout est consa­
                     cette restitution était suffisante pour la ré­  cré à ce grand objet. Quand il est réduit
                     paration du dommage qu’avait occasionné à   à la dernière extrémité, il frappe à toutes
                     l'inventeur la publicité donnée à son brevet.   les portes.
                     Deux jours après, la société qui avait existé   Dès le 19 fructidor an II, Leblanc ob­
                     entre Leblanc, Dizé et Shée (ce dernier re­  tient 4,000 livres du Comité de salut pu­
                     présentant le duc d’Orléans) fut rompue   blic, pour satisfaire aux avances qu’il a
                     devant le préfet de la Seine. Le tribunal de   faites relativement au procédé dont il est
                     commerce fut aussi chargé d’évaluer le dom­  l’inventeur.
                     mage subi par les associés et les indemnités   Le 9 ventôse an VII, le ministre de l’in­
                     qui leur étaient dues. Mais ce tribunal s’étant   térieur, Françoisde Neufchàteau, lui accorde
                     déclaré incompétent, on eut recours au pré-  3,000 francs dans le but de lui faciliter les
                                                               moyens de relever son ancienne fabrique de
                      (1) Voici les procédés que la commission nommée par
                     le gouvernement avait eu à examiner : Décomposition du sel   soude. Il est vrai que ces 3,000 francs ne
                     marin par la litliarge (procédé de Schèele donnant du   furent pas payés.
                     chlorure de plomb et de la soude) ; — traitement du sulfate
                     de soude par le charbon, et du sulfure de sodium par le   Le 14 brumaire an VIII, le ministre de
                     fer (Alban), produisant de la soude et du sulfure de fer;   l’intérieur, Quinette, écrivait au ministre
                     — décomposition du sel marin par la chaux (Carny), qui
                     donnait de la soude carbonatée en efflorescences; — dé­  des finances « pour l’inviter fortement à
                     composition du sel marin par le sulfate de fer, h l’aide dé   « fixer une attention particulière sur le bien
                     l’eau, puis d’une haute température et de l’air (Athenas),
                     produisant du sulfate de soude et du peroxyde de fer; —   « général qui pourrait résulter de la reprise
                     décomposition du sulfate de soude par le charbon (P.ibeau-   « des travaux de l’usine séquestrée. » 11
                     court). Ce dernier chimiste croyait obtenir de la soude,
                     mais le produit n’était que du sulfure de sodium, que l’on   ajoutait « que le produit de la vente de cette
                     avait pris pour de la soude, parce qu’il a quelque action   « manufacture ne compenserait jamais les
                     dans le blanchiment des étoffes, en raison du carbonate   « services que Leblanc pourrait rendre à la
                     de soude qui se forme par l’action de l’air.
                                       {Annales de Chimie, 179?.)   « République, s’il lui était permis de re-
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