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486 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
n’était venue interrompre le cours d’une si fabriques de ce genre furent établies par
noble existence. J.-B. Payen père, dans la plaine de Grenelle,
Les deux associés de Leblanc, Dizé et près Paris (comprise aujourd'hui dans l’en
Shée, eurent un sort moins pénible. ceinte de la capitale) et par Darcet, à la
A l’époque du désastre de Saint-Denis, Folie-Nanterre, ainsi qu’à Saint-Denis. En
Dizé était attaché, en qualité de pharmacien, 1803, ces fabriques fournissaient déjà par
aux hôpitaux militaires. 11 poursuivit avec jour jusqu’à 22,000 kilogrammes de soude.
activité sa laborieuse et honorable carrière En 1806, on vit des fabriques de soude s’éta
de chimiste et de pharmacien. 11 vivait en blir, pour la première fois, à Rouen et à
core en 1832, et nous l’avons tous connu I Marseille.
dans les laboratoires de chimie de la Sor Ce ne fut pas néanmoins sans de sé
bonne et du Collège de France, qu’il ai rieuses résistances que cette industrie nou
mait à fréquenter. velle fut acceptée dans nos villes manu
Dizé n’avait pas été sans utilité pour Le facturières. Marseille, aujourd’hui le siège
blanc, dont il fut le collaborateur assidu. d’une si immense production de cette-sub-
La mise en pratique de la fabrication de la stance, se distingua surtout par son ardeur
soude a reçu, de ses connaissances chimi à proscrire la soude factice. Le commerce
ques et de son habitude des travaux de labo | maritime de cette ville se croyait menacé
ratoire, un secours très-efficace. Mais son | par la suppression des soudes étrangères.
rôle en cela ne fut que secondaire. D’après On ne réfléchissait pas que le commerce
l’enquête attentive à laquelle s’est livrée la | intérieur et le développement de l’industrie
commission de l’Académie des sciences, I nationale, devaient réparer au centuple la
c’est à Leblanc que revient, sans aucun perte survenue de ce côté.
doute, le mérite tout entier de la découverte Le préjugé contre les soudes factices était
de la soude factice. si répandu à Marseille, que la Chambre de
Shée, l’ancien intendant du duc d’Orléans, commerce de cette ville écrivait, le 9 dé
après avoir passé plusieurs années dans la cembre 1814 : « On verra tôt ou tard, en
retraite, finit par se rallier au gouvernement France, les savons fabriqués avec la soude
du premier consul. Il devint successivement artificielle, abandonnés. »
conseiller d’Etat, préfet du Bas-Rhin, enfin On s’imaginait, ou l’on voulait faire
sénateur. croire, que le savon fait avec la soude ar
tificielle était nuisible au linge et altérait la
Telle est l’histoire de l’invention de la santé de ceux qui en faisaient usage.
soude artificielle. Ce récit éveille d’amères Les préjugés populaires allèrent plus
pensées sur le déplorable sort qui est trop loin. Les paysans provençaux assuraient que
souvent réservé aux inventeurs, sur l’indif les fabriques de soude empêchaient la pluie,
férence des gouvernements, ou peut-être parce que la fumée des usines écartait les
seulement sur l’inexpérience où l’on était nuages. On aurait peine à le croire, si le fait
en France, dans les premières années de | n’était attesté par les témoignages les plus
notre siècle, de tout ce qui intéresse les dé J précis. En 1813 et 1816, les paysans du vil
couvertes industrielles. lage de Septèmes menaçaient de détruire
les fabriques de soude établies dans cette
Après la mort de Nicolas Leblanc', l’in localité, et l’on fut obligé, pendant ces deux
dustrie de la fabrication des soudes prit années, d’y cantonner des troupes de la gar
un développement rapide. Les premières nison de Marseille, pour protéger les fabri