Page 408 - Les merveilles de l'industrie T1
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L’INDUSTRIE DES SAVONS. . 403
{provenait des fraudes qui s’étaient intro
duites dans sa fabrication, et qui déconsi CHAPITRE H
déraient ses produits. On ajoute que le sé
LA SAVONNERIE ÉTABLIE A MARSEILLE AU XVIIe SIÈCLE. —
nat de Gênes fit plusieurs fois brûler en
SES PROGRÈS SUCCESSIFS.— RÈGLEMENTS ADMINISTRATIFS.
place publique des cargaisons de savon fal MONOPOLE DE CETTE INDUSTRIE AFFECTÉ A MARSEILLE
sifié outre mesure. Nous croyons que la dé JUSQU’EN <830. — CRÉATION DES SAVONNERIES A l’a-
CIDE OI.ÉIQUE, AMENANT LE DÉPLACEMENT PARTIEL DE
cadence de la savonnerie génoise eut une
L’INDUSTRIE SAVONNIÈRE FRANÇAISE.
autre cause. A cette époque commençait
l’ère des tarifs de douane. Chaque État, vou C’est du xvne siècle que date le dévelop
lant protéger son industrie propre, frappait pement sérieux que la fabrication des sa
de droits énormes l’entrée des produits vons prit à Marseille. A cette époque les sa
étrangers. Dès lors, les grands pays, comme vonniers provençaux se servaient unique
La France, l’Espagne, l’Angleterre, purent ment des alcalis végétaux provenant de la
seuls conserver une industrie florissante, combustion des plantes marines du terri
parce que leur vaste marché intérieur leur toire d’Arles, et cet alcali leur suffisait pour
fournissait un débouché suffisant. Au con répondre aux besoins de la consommation
traire, les petits États n’ayant à offrir à leur de l’Espagne et d’une partie de l’Italie. Un
production manufacturière qu’un faible ter siècle plus tard, l’introduction de la fabri
ritoire, virent leur industrie dépérir. cation des cotons en Europe, vint donner
C’est ce qui arriva à la république de Gê une nouvelle impulsion à l’industrie savon-
nes, qui n’avait qu’un territoire insignifiant nière. Les soudes du pays ne purent plus
et une population restreinte. Au contraire, suffire aux besoins, et Marseille dut recourir
Marseille avait devant elle les immenses aux soudes végétales de l’Italie, de l’Espagne
marchés de la France. C’est pour cela que et même du Levant.
Gênes, aussi bien que Venise et plus tard La savonnerie fut introduite en France
Malaga, Alicante et Carthagène, durent ces sous Louis XIV, pendant l’administration
ser leur fabrication devant les progrès inces de Colbert. Elle s’établit d’abord à Toulon.
sants de l’industrie marseillaise. Le choix de cette localité fait par Colbert,
Voilà comment Marseille entra dans la prouve que le grand ministre voulait sur
possession presque exclusive des marchés de tout donner un débouché aux huiles d’olive
l’Europe. de la Provence.
Les nombreuses savonneries qui existent Colbert avait un autre but : il voulait
de nos jours dans cette ville, datent presque donner du travail aux ouvriers du pays, à
toutes du xvne siècle. Si depuis deux siècles l’exclusion des étrangers. En effet, quelques
elles ont peu modifié leurs installations pri années après, Louis XIV rendit un arrêté
mitives, c’est que le procédé le plus avan pour constituer un « monopole pour la fa
tageux que l’on connaisse pour fabriquer un brication du savon en faveur du sieur Rigat,
savon de bonne et loyale qualité, c’est-à-dire de Lyon, » à la condition que ledit Rigat
le procédé dit a la grande chaudière, a été n’emploierait dans sa fabrique que des ou
trouvé et mis en pratique à Marseille, dès vriers français et des huiles du pays.
le xvue siècle, à l’origine de cette indus Cet arrêté, qui avait été fort mal accueilli,
trie, et que ni le temps ni les progrès de la ne put être enregistré au parlement d’Aix
science n’ont rien pu changer à ce procédé. que sur l'injonction du roi. Sa durée fut
d’ailleurs très-éphémère ; la force des choses
en fit justice. Le sieur Rigat fut privé de