Page 409 - Les merveilles de l'industrie T1
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404                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                         son privilège par un arrêté du 10 octobre   rendue le 27 juin 1667, par le baron d’Oppède, pre­
                                                                    mier président au Parlement de Provence, à Aix.
                         1G69 (1).
                                                                     « Toutefois, ce monopole ne fut pas de longue
                           Libre de choisir son milieu, l’industrie   durée; il portait en lui-même un germe de destruc­
                         savonnière quitta Toulon, et alla s’établir   tion. L’interruption du travail des anciennes fabri­
                         à Marseille, qui, par son commerce avec les   ques, causée par le renchérissement excessif du sa­
                                                                    von et le délaissement des huiles de Languedoc et de
                         pays producteurs d’huile d’olive et les avan­  Provence, que le sieur Rigat remplaçait par les si­
                         tages qu’offrait son grand marché, se trou­  milaires étrangers, sont les principaux considérants
                         vait dans les meilleures conditions pour   sur lesquels fut basé le retrait du privilège, que le
                                                                    sieur Rigat perdit par un arrêté du lOoctobre 1669.»
                         cette fabrication spéciale.
                           11 ne sera pas sans intérêt de reproduire,   Ce furent des ouvriers de Rigat qui, se
                         comme document historique, ce que rap­     transportant de Toulon à Marseille, fondè­
                         porte à ce sujet M. Wolowski, dans son     rent la savonnerie dans cette ville. En 1670,
                         rapport sur les produits de la savonnerie à   il y avait déjà à Marseille trois fabriques de
                         l’Exposition de Londres de 1862.           savon en activité.
                                                                      Au monopole qui venait d’être détruit,
                           « En 1666, dit M. Wolowski, un sieur Pierre Rigat,   succéda bientôt un autre fléau : la fraude.
                         marchand établi à Lyon, adressa au roi une requête   Quelques passages des représentations qui
                         par laquelle il' proposait de fabriquer des savons   furent faites à ce sujet par la chambre
                         sans aucun secours du dehors, par des procédés
                         de lui particulièrement connus, et en quantité suf­  de commerce, et l’édit royal du 5 octobre
                         fisante pour la consommation de tout le royaume.   1688, qui vint réglementer la fabrication du
                         Cette proposition, qui impliquait, suivant l’esprit du   savon jusque dans ses moindres détails, per­
                         temps, la concession d’un privilège, fut accueillie,
                         et Louis XIV, par des lettres patentes signées le 11   mettront de juger à quel degré étaient alors
                         mars 1666, accorda au pétitionnaire le privilège ex­  portées les fraudes, dans la fabrication aussi
                         clusif d’établir des fabriques de savon blanc, marbré, |   bien que dans la vente du savon à Marseille.
                         et de toutes autres qualités, sur tous les points du
                         royaume qu’il lui conviendrait de choisir, et de les   «Le roi, ayant été informé que la mauvaise qualilé
                         exploiter pendant vingt ans. Les seules fabriques   des savons qu’on fabrique maintenant en Provence,
                         alors existantes, au nombre de six ou sept, furent   en a considérablement diminué le débit, qui était
                         conservées, mais à la condition que le nombre de   très-grand; et que l’altération qu’on y fait pour le
                         leurs chaudières ne serait pas augmenté, et que   poids, et les défauts qui s’y rencontrent pour le peu
                         leurs produits seraient versés dans les magasins du   de soins qu’on a de préparer les matières, a pu donner
                         sieur Rigat, qui devait les payer à un prix convenu.  lieu aux étrangers d’attirer et d’établir cette manufac­
                           « Le concessionnaire et tout le personnel dépendant   ture chez eux, ce que Sa Majesté désirait empêcher,
                         de ses fabriques étaient en outre exemptés de fournir le   elle a résolu, pour remédier aux abus qui se sont
                         logement aux gens de guerre, et de toutes autres   introduits, de remettre cette fabrique dans sa per­
                         charges imposées aux divers sujets du royaume; un   fection, et ordonne ce qui suit :
                         droit de huit livres par quintal devait être perçu sur   « Art. 1er. Les manufactures de savon, de quelque
                         les savons importés de l’étranger.        qualité qu’elles soient, cesseront entièrement pen­
                           « Ce privilège suscita une opposition fort vive de la   dant les mois de juin, juillet et août de chaque an­
                         part des échevins des villes de Lyon et de Marseille,   née, sous peine de confiscation du savon.
                         du procureur de Provence, et notamment au sein   «Abt. 2. Les huiles nouvelles ne pourront être
                         de la cour du Parlement de Provence, qui refusa   employées à cette manufacture avant le Ier mai de
                         d’enregistrer les lettres patentes y relatives. Mais un   chaque année, aussi à peine de confiscation de la.
                         édit rendu le 23 juillet 1666, sur le rapport du mi­  marchandise.
                         nistre Colbert, vint casser l’arrêt du Parlement, et   « Abt. 3.11 est défendu de se servir dans la fabrique
                         les lettres patentes royales furent alors enregistrées.
                                                                   du savon, avec les bari'les, soudes ou cendres, d’aucune
                         L’exécution eut lieu en vertu d’une ordonnance
                                                                   graisse, beurre ni autres matières, mais seulement
                                                                   des huiles d’olive pures sans mélange de graisse, à
                          (I) De la savonnerie marseillaise, par M. Charles Roux   peine de confiscation.
                         fils (Jules Roux), mémoire lu à la Société de statidique   « Abt. 13. Les communautés des villes de la Pro­
                         de Marseille, brochure in-8". Marseille, 1868, page 8.   vence où il y a des fabriques de savon nommeront
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