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408 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
industrie. A cette époque la cité phocéenne partie liquide du suif qui forme le résidu
ne comptait pas de rivale en Europe pour du traitement des suifs, après l’extraction
la savonnerie, et c’était à juste titre que les de l’acide stéarique, vint offrir à l’indus
faveurs administratives et gouvernemen trie savonnière une nouvelle matière pre
tales étaient prodiguées à cette industrie mière, qui est devenue la base d’une fabri
Vraiment nationale. cation immense. Nous aurons l’occasion de
M. Reybaud, dans un article publié dans traiter de la fabrication des savons à l’acide
le Journal des Débats, à propos de l’Exposition oléique dans le courant de cette Notice,
universelle de 1867, raconte à ce sujet une mais, en attendant, l’ordre chronologique
anecdote assez piquante, que nous ne pou nous amène à parler des savonneries à l’a
vons résister au désir de citer en passant. cide oléique, qui ont été établies depuis
1840 environ, sur divers points du territoire
«Celait en 1814, dit M. Reybaud, à la première . français, et ensuite chez toutes les nations
rentrée des Bourbons. Le comte d’Artois venait d’ar- industrielles.
riŸer à Marseille, et y avait trouvé l’accueil le plus j
. Si,jusqu’au commencementdenotresiècle
enthousiaste et le plus bruyant. On le promenait de
fête en fête au milieu des acclamations de la foule Marseille était demeurée en possession du
et des harangues de l’autorité. Au nombre des cu monopole de la fabrication du savon, les
riosités locales et comme preuve d’intérêt vis-à-vis progrès de la chimie, en permettant d’aug
d’nne grande industrie, il avait été décidé que S. A.
R. honorerait de sa visite une de nos principales menter le nombre des matières premières
fabriques de savon. C’était, il m’en souvient, celle saponifiables, lui créèrentde nombreux ému
de M. Payen, située sur les hauteurs de la vieille les à Paris, à Lyon, à Nantes, à Bordeaux, à
ville, et qui avait été improvisée et décorée pour la
circonstance. Les ouvriers y étaient à leur poste, en Orléans. Les essais avaient d’abord été ti
habit de travail, les contre-maîtres aussi; on devait mides et peu encourageants pour ces indus
donner au prince le spectacle d’une fabrication en tries nouvelles. L’infériorité des produits,
miniature, tille eut lieu en effet, et qu’en sortit-il ? I lorsqu’on les comparait à ceux de Marseille,
Un buste de Louis XVIII en savon, d’une blancheur
transparente, et sur le socle duquel on pouvait lire , semblait devoir assurer à cette ville la con
cette inscription : tinuation de son monopole. Mais les procé
Il efface toutes les taches. dés de fabrication s’améliorèrent graduelle
ment, et bientôt, l’on put enlever aux sa
« L’hommage fut apprécié comme il devait l’être,
l’allusion aussi... vons d’acide oléique l’odeur désagréable
« Qu’est devenu le buste, et à qui a-t-il servi ? je qui les caractérisait.
l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que la maison Cette difficulté une fois vaincue, la fa
Payen, aujourd’hui Coust de Payen, est restée à la
brication prit de plus grandes proportions.
tête de cette industrie et porte dignement un nom
honorable et honoré. » Les savons d’acide oléique que l’on com
mença de produire à Saint-Ouen, pouvaient
C’est vers 1830 que la suprématie indus- lutter sans trop de désavantages, pour la
trielle de Marseille dans l’art de la savonne consistance, l’odeur et la marbrure, avec
rie, commençad’être sérieusement ébranlée. ceux de Marseille. En même temps, les usi
Nous avons raconté dans les Merveilles de nes du Nord commencèrent à produire des
la science, l’histoire de la découverte de la savons de ménage et industriels, blancs,
bougie stéarique. Nous avons dit que cette gris, jaunes et de couleurs variées, à base
industrie prit naissance en France, vers de suif, d’huile d’olive, de palme, etc.,
1830, à la suite des travaux de Braconnot, ainsi que des savons bruns à base de résine.
de Gay-Lussac et de Chevreul. A partir de L’introduction de l'acide oléique dans les
cette époque, 1 acide oléique, c’est-à-dire la i saxons a donc beaucoup contribué au déve-