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410 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
usines marseillaises. Substitution de la va a reproché dans plus d’un ouvrage, dans
peur au chauffage à feu nu ; réduction con plus d’un rapport aux Expositions nationales,
sidérable de la main-d’œuvre, par l’emploi parce qu’ils se complaisent dans la routine, et
des ressources qu’offre la mécanique ; essais qu’ils résistent au progrès. Ils ont expéri
de tous les corps gras industriels connus dans menté tous les systèmes nouveaux, ils ont su
les deux mondes, etc.; tout cela fut l’œuvre s’en rendre compte, car leur intérêt leur dic
des savonniers marseillais, excités par la con tait cet examen. S’ils persévèrent dans leur
currence de Paris et du Nord. vieux procédé, c’est que leurs propres expé -
C’est donc avec peine que nous avons vu riences leur en ont démontré la valeur, c’est
dans plusieurs ouvrages récents, entre autres que leurs pères leur en ont transmis la tradi
dans les Grandes Usines de M. Turgan, les tion, en leur recommandant de la respecter.
fabricants -marseillais représentés comme Ils préfèrentcontinuerun système de fabrica
amis de la routine, rebelles au progrès in tion honorable, mais dont les bénéfices sont
dustriel et se confinant dans leur vieux sys restreints, que d’adopter des procédés dont
tème de fabrication (1). La vérité est que ces la fraude, à divers degrés, est, comme nous
manufacturiers, fort au courant des progrès le verrons bientôt, la base principale ; car
de l’industrie, n’ont laissé échapper aucune on peut, avec certains corps gras, comme
occasion de suivre et de s’approprier les inno l’huile de coco, introduire dans un savon
vations utiles. S’ils restent encore de nos des quantités d’eau énormes, qui en font un
jours fidèles au procédé marseillais, dit à la produit frelaté, indigne d’une industrie qui
grande chaudière, qui remonte au temps se respecte. A ce point de vue, il est injuste
de Louis XIV, c’est que ce procédé fut éta de prétendre avec M. Turgan, avec M. For-
bli dès l’origine sur des bases si rationnelles cade (1), que les fabricants marseillais ré
et tellement complètes, qu’on n’a jamais pu sistent au progrès. On ne saurait honorer
en modifier le fond sans dénaturer le pro de ce nom une innovation industrielle qui
duit, et qu’en outre, ce procédé est le seul ne s’exercerait qu’au détriment de la qua
qui assure la loyauté de ce même produit, lité du produit et aux dépens de l’acheteur.
la marbrure étant, comme nous le verrons Cette bonne qualité, cette loyauté du
plus loin, une sorte de marque de bonne produit, importe d’autant plus que, dans
fabrication, une preuve écrite que le savon l’approvisionnement de la France, Marseille
ne renferme que la quantité d’eau requise, compte encore aujourd’hui pour la moitié
et que le consommateur n’achète point de environ, et qu’elle figure pour les deux tiers
l’eau pour du savon. dans le total de notre exportation.
Si les fabricants marseillais font tous Par sa’ position géographique, Marseille
leurs efforts pour maintenir dans sa pureté conservera toujours la suprématie en ce qui
le véritable type du savon marbré ou savon concerne les savons dont l’huile d’olive ou
de Marseille, ce n’est pas, comme on le leur de sésame constitue la base principale. Tan
dis que les savonniers de l’intérieur ne peu
(1) «Au milieu de ce mouvement marseillais si puissant vent se procurer les matières premières,
et si décisif, l’industrie savonnière semble au contraire,
sinon s’éteindre, du moins s'étioler. Il y a pour cela des c’est-à-dire les huiles et les graines oléagi
causes accidentelles, mais la principale et la plus grave est neuses, qu’avec une grande augmentation
une sorte d’entêtement des fabricants à ne pas vouloir sui
dans les frais de transport, les fabricants de
vre les progrès de la science moderne, à ne pas vouloir
comprendre qu’à côté des chemins de fer, les diligences, Marseille les ont constamment sous la main.
même parfaitement établies et consciencieusement menées,
ne sont plus possibles. » (Turgan, Grandes Usines, t. II, (1) Rapport du jury de l’exposition internationale de
p. 82, la Savonnerie Amavon.) 1867.