Page 419 - Les merveilles de l'industrie T1
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414                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.

                    fermant un alcali neutralisé par la matière   d’air. Enfin, on ajouta à ce mélange une
                    grasse. Pelletier pensait que l’acide carbo­  solution, également bouillie, de potasse pure,
                    nique de l’air était l’agent de la solidifica­  contenant 30 grammes de cette substance.
                    tion des huiles pendant leur saponification.   L’appareil ayant été placé pendant trois
                    D’autres chimistes, et notamment Fourcroy,   jours entre deuxfourneauxallumés, la graisse
                    attribuaient la saponification à l’oxydation   devint opaque, puis forma une masse gélati­
                    des corps gras.                           neuse, transparente. Quand l’opération fut
                      Pelletier, Darcet et Lelièvre, enfin le chi­  terminée, M. Chevreul reconnut que la ma­
                    miste Colin, par des recherches spéciales,   tière grasse, ainsi placée à l’abri de l’air,
                    jetèrent n certain jour sur la nature in­  était saponifiée absolument de la même
                    time des savons, mais sans parvenir à la   manière que la même graisse s’était sapo­
                    dévoiler réellement. Ils distinguèrent bien   nifiée en présence de l’air. Dès lors, il ne fut
                    les savons mous des savons durs, selon l’es­  plus possible d’admettre que l’air puisse
                    pèce d’alcali que renferment les savons ;   jouer le moindre rôle dans l’acte de la sapo­
                    mais après leurs travaux, la théorie de la   nification.
                    saponification restait tout entière à découvrir.  Voici comment on explique aujourd’hui
                      Ce fut M. Chevreul, qui, dans une série de   la saponification, d’après les travaux de
                    mémoires remarquables, sut parfaitement   M. Chevreul.
                    analyser les phénomènes qui se produisent   Les huiles et les graisses végétales ou
                    dans l'acte de la saponification, et fonder   animales sont des mélanges, en proportions
                    la théorie qui est aujourd’hui admise con­  variables, de certaines substances, qui por­
                    cernant la constitution des corps gras et la   tent le nom d'olcine, de stéarine, de marga­
                    composition générale des savons.          rine et de glycérine. Ces dernières substan­
                      MM. Rraconnot, Bussy, Le Canu, Frémy,   ces, au point de vue de leur constitution,
                    sont venus ensuite apporter de nouveaux   semblent se rapprocher des éthers composés.
                    faits, qui ont pleinement confirmé la théorie   On peut, en effet, considérer la stéarine, la
                    de M. Chevreul.                           margarine, l’oléine, etc., comme des com­
                                                              binaisons définies résultant de l’union d’a­
                      La découverte de glycérine par Schèele,   cides ternaires avec une base organique,
                    qui lui avait donné le nom de principe doux   analogue à l’éther simple. Or, on sait que
                    des huiles, est le seul fait essentiel qui eût   quand on fait agir un alcali puissant sur un
                    précédé les travaux de M. Chevreul.       éther composé, l’éther acétique par exemple,
                      Ce chimiste commença par démontrer,     les éléments de cet éther composé se désu­
                    contrairement à ce que l’on admettait avant   nissent, l’acide se porte sur la base miné­
                    lui, que l’oxygène de l’air ne joue aucun   rale, pour former un sel, tandis que l’éther
                    rôle dans la saponification.              mis en liberté, hydrate, c’est-à-dire fixe
                      Pour établir ce fait, M. Chevreul intro­  de l’eau, pour reproduire de l’alcool. M. Che­
                    duisit dans une cloche de 5 décilitres de   vreul a prouvé que des phénomènes tout
                    capacité, contenant du mercure, environ   semblables apparaissent quand des alcalis
                    150 grammes de graisse, qui avait été     agissent sur les corps gras neutres, sous
                    tenue pendant quelque temps en fusion,    l’influence de la chaleur. L’acide gras s’u­
                    pour la purger d’air. Il renversa la cloche   nit alors à la base minérale, et donne nais­
                    sur un bain de mercure, et fit ensuite pas­  sance à un savon, tandis que V éther glycé-
                    ser dans cette cloche, environ 150 grammes   rique, mis en liberté, s’hydrate et se convertit
                    d’eau bouillie et par conséquent purgée   en glycérine.
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