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414 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
fermant un alcali neutralisé par la matière d’air. Enfin, on ajouta à ce mélange une
grasse. Pelletier pensait que l’acide carbo solution, également bouillie, de potasse pure,
nique de l’air était l’agent de la solidifica contenant 30 grammes de cette substance.
tion des huiles pendant leur saponification. L’appareil ayant été placé pendant trois
D’autres chimistes, et notamment Fourcroy, jours entre deuxfourneauxallumés, la graisse
attribuaient la saponification à l’oxydation devint opaque, puis forma une masse gélati
des corps gras. neuse, transparente. Quand l’opération fut
Pelletier, Darcet et Lelièvre, enfin le chi terminée, M. Chevreul reconnut que la ma
miste Colin, par des recherches spéciales, tière grasse, ainsi placée à l’abri de l’air,
jetèrent n certain jour sur la nature in était saponifiée absolument de la même
time des savons, mais sans parvenir à la manière que la même graisse s’était sapo
dévoiler réellement. Ils distinguèrent bien nifiée en présence de l’air. Dès lors, il ne fut
les savons mous des savons durs, selon l’es plus possible d’admettre que l’air puisse
pèce d’alcali que renferment les savons ; jouer le moindre rôle dans l’acte de la sapo
mais après leurs travaux, la théorie de la nification.
saponification restait tout entière à découvrir. Voici comment on explique aujourd’hui
Ce fut M. Chevreul, qui, dans une série de la saponification, d’après les travaux de
mémoires remarquables, sut parfaitement M. Chevreul.
analyser les phénomènes qui se produisent Les huiles et les graisses végétales ou
dans l'acte de la saponification, et fonder animales sont des mélanges, en proportions
la théorie qui est aujourd’hui admise con variables, de certaines substances, qui por
cernant la constitution des corps gras et la tent le nom d'olcine, de stéarine, de marga
composition générale des savons. rine et de glycérine. Ces dernières substan
MM. Rraconnot, Bussy, Le Canu, Frémy, ces, au point de vue de leur constitution,
sont venus ensuite apporter de nouveaux semblent se rapprocher des éthers composés.
faits, qui ont pleinement confirmé la théorie On peut, en effet, considérer la stéarine, la
de M. Chevreul. margarine, l’oléine, etc., comme des com
binaisons définies résultant de l’union d’a
La découverte de glycérine par Schèele, cides ternaires avec une base organique,
qui lui avait donné le nom de principe doux analogue à l’éther simple. Or, on sait que
des huiles, est le seul fait essentiel qui eût quand on fait agir un alcali puissant sur un
précédé les travaux de M. Chevreul. éther composé, l’éther acétique par exemple,
Ce chimiste commença par démontrer, les éléments de cet éther composé se désu
contrairement à ce que l’on admettait avant nissent, l’acide se porte sur la base miné
lui, que l’oxygène de l’air ne joue aucun rale, pour former un sel, tandis que l’éther
rôle dans la saponification. mis en liberté, hydrate, c’est-à-dire fixe
Pour établir ce fait, M. Chevreul intro de l’eau, pour reproduire de l’alcool. M. Che
duisit dans une cloche de 5 décilitres de vreul a prouvé que des phénomènes tout
capacité, contenant du mercure, environ semblables apparaissent quand des alcalis
150 grammes de graisse, qui avait été agissent sur les corps gras neutres, sous
tenue pendant quelque temps en fusion, l’influence de la chaleur. L’acide gras s’u
pour la purger d’air. Il renversa la cloche nit alors à la base minérale, et donne nais
sur un bain de mercure, et fit ensuite pas sance à un savon, tandis que V éther glycé-
ser dans cette cloche, environ 150 grammes rique, mis en liberté, s’hydrate et se convertit
d’eau bouillie et par conséquent purgée en glycérine.