Page 418 - Les merveilles de l'industrie T1
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L’INDUSTRIE DES SAVONS.                               413


           tant une valeur de trois millions cinq cent   L’Autriche fabriquait annuellement jus­
           mille francs.                             qu’en 1866, près de 40,000 quintaux mé­
             Nous pouvons donc, sans tomber dans     triques de savon à base d’huile d’olive,
           l’exagération, évaluer, comme nous l’avons   de bonne qualité. Aujourd’hui cette pro­
           fait au début de cette Notice, à soixante-dix   duction a diminué, par suite de la ces­
           millions la valeur des savons qui sortent an­  sion de Venise à l’Italie. C’est en effet à
           nuellement des usines françaises. Il faut,   Venise et à Trieste que se trouvait le centre
           pour obtenir cette quantité de produits ma­  le plus important de cette fabrication. Par
           nufacturés, trente-six millions de kilogram­  contre, la production des savons à base
           mes de matières grasses, et cinquante mil­  d’acide oléique a pris une plus grande
           lions de kilogrammes de soude artificielle.  importance en Autriche et dans le centre
                                                      de l’Allemagne.
             L’ensemble de la production anglaise a
                                                        La Hollande est surtout réputée pour ses
           aujourd’hui à peu près la même importance
                                                      savons mous à base de potasse.
           que celle de la France. Les Anglais fabri­
                                                        Nous n’avons pas de renseignements pré­
           quent plus spécialement des savons à base
                                                      cis sur les produits des autres pays.
           de suif, d’huile de palme, d’huile de coco,
                                                        Les Etats-Unis sont arrivés à produire de
           et surtout de résine.
                                                      grandes quantités de savons à très-bas prix ;
             La progression de l’Angleterre dans la
                                                      mais ils sont mal fabriqués et mélangés de
           fabrication du savon a été remarquable par
                                                      tant de matières étrangères qu’ils ne peu­
           sa rapidité. En 1801, on ne fabriquait dans
                                                      vent aucunement entrer en parallèle avec
           le Royaume-Uni, que 53 millions delivres
                                                      les produits de l’Europe.
           anglaises (1) de savon, ce qui donnait 4 li­
           vres 84 de savon consommé dans l’année
           par chaque habitant. En 1831 la produc­
           tion est de 103 millions de livres (con­
           sommation par habitant : 6 livres 33) ;                CHAPITRE IV
           en 1849, la production est de 197 millions
                                                      T.1ÉOB1E CHIMIQUE DE LA SAPONIFICATION. — CLASSIFI­
           de livres (consommation par habitant 9 li­
                                                                  CATION DES SAVONS.
           vres 71); en 1852 enfin, la production s’é­
           lève à 224 millions de livres.               Avant de décrire les procédés qui servent
             Il est à remarquer que dans tous ces chif­  à la fabrication du savon, nous croyons
           fres il s’agit de savons soumis aux droits (car   devoir exposer l’idée que l'on doit conce­
           la fabrication du savon a été taxée en Angle­  voir du savon au point de vue théorique, et
           terre jusqu’en 1853) et il y avait de nom­  dire comment la chimie explique sa produc­
           breuses fabriques clandestines. Cet impôt   tion au moyen des alcalis et des corps gras.
           sur le savon donnait au gouvernement
           un revenu net d’environ 30 millions de       On a longtemps pensé que le savon était
           francs, et l’impôt payé annuellement de    le résultat de l’union directe, intégrale, du
           ce chef par chaque habitant, s’élevait, en   corps gras avec l’alcali. Ce n’est que par
           moyenne, à 1 franc 52 par an. L’augmen­    les travaux des chimistes modernes qu’on a
           tation des revenus publics a permis en 1853   pu se rendre compte de la véritable nature
           de renoncer à cette taxe, qui donnait lieu à   de cette opération.
           des plaintes incessantes.                    Berthollet, à l’exemple des anciens chi-
             (1) La livre anglaise est de 4£3 grammes.  i mistes, considérait les savons comme ren­
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