Page 411 - Les merveilles de l'industrie T1
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406                   MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.


                     sommateur payait une livre de savon, « et   qu'un nom qu’on leur donne pour les faire
                     il n’en recevait que trois quarts et souvent   mieux valoir. » Ce qui signifie que les droits
                     moins. »                                  dont étaient frappés les savons étrangers,
                       Nous aurons, hélas ! à constater, dans la   avaient pour principal résultat de favoriser
                     suite de cette Notice, qu’il en est de même   la fraude, qui consistait à faire passer pour
                     encore aujourd’hui, pour certains savons   savons d’origine étrangère les savons de fa­
                     qu’une concurrence déloyale fait accepter   brication française.
                     aux consommateurs, en leur offrant l’appât   De 7 francs le quintal sur les savons
                     d’un bon marché illusoire. Nous pouvons   étrangers, le droit fut élevé à 9 francs, par
                     dire, par anticipation, que la fraude, profi­  l’Assemblée nationale, en 1791. En 1803,
                     tant des progrès de la chimie, en est arrivée,   ce droit fut porté, par un arrêté du Conseil,
                     de nos jours, à faire vendre des savons qui   à 2 francs par 5 myriagrammes, c’est-à-dire
                     contiennent soixante-quinze pour cent d’eau!  à 24 francs par quintal métrique.
                       Les plaintes étant devenues de plus en    Pour compléter l’historique des mesures
                     plus nombreuses, la municipalité de Mar­  administratives qui concernent le savon,
                     seille demanda, par une adresse qui fut   nous devons encore rappeler que, le 18 sep­
                     présentée en 1791 à l’Assemblée législative,   tembre 1811, Napoléon, revenant avec juste
                     la répression des fraudes dans la fabrication   raison aux prescriptions de Louis XIV, ren­
                     des savons. On ne voit pas néanmoins qu’au­  dit un décret qui imposait aux fabricants une
                     cune mesure administrative ait été la suite   marque particulière pour chaque sorte de
                     de cette adresse à l’Assemblée législative.  savon. Ces marques devaient porter en toutes
                       Ce n’est qu’en 1816, que fut établi à Mar­  lettres et en gros caractères, les mots huile
                     seille, sur la réclamation de la chambre   d'olive, huile de graines, ou de suif, se­
                     du commerce, le Conseil des prud'hommes,   lon leur composition. A la suite de cette
                     dont l’institution était en germe, comme   marque, le fabricant devait indiquer son nom
                     nous l’avons dit, dans l’article 13 de l’édit   et celui de la localité où se faisait la fabri­
                     de 1688.                                  cation , afin que l’on pût poursuivre les au­
                                                               teurs des fraudes, s’il en était constaté.
                       C’est ici le lieu de parler du régime éco­  Plus tard (en décembrè 1812), un nouveau
                     nomique , c’est-à-dire de la législation qui ■  décret maintient les dispositions qui pré­
                     fut appliquée aux savons, en France, depuis   cèdent, mais accorde, en plus, une marque
                     la naissance de cette industrie.          particulière à la ville de Marseille, « marque
                       Sous l’ancien régime (1644), les savons   présentant un pentagone, dans le milieu du­
                     étrangers (d’Alicante, de Carthagène, de   quel sont, en lettres rentrées, les mots huile
                     Venise, de Gaëte) payaient, à l’entrée, un   d'olive, et à la suite le nom du fabricant et
                     droit fixe de 3 livres 10 sous par quintal,   celui de la ville de Marseille. » Cette mar­
                     droit qui fut doublé (7 livres par quintal)   que était interdite aux fabricants des autres
                     par les tarifs de 1667 et 1718. A cette occa­  villes, sous peine d’amende et de confisca­
                     sion, et d’après l’article 7 de leurs statuts,   tion. Les fabricants marseillais eux-mêmes
                     les teinturiers en soie, laine et fil, ne pou­  ne pouvaient s’en servir que pour le savon
                     vaient employer que du savon d’Alicante ou   d’huile d’olive.
                     de Gênes. Mais nous lisons dans le Diction­  Aujourd’hui encore les fabricants de
                     naire du commerce et de l'industrie, de Sa-   Marseille qui se respectent, ont conservé
                     vary : « Ces savons ne sont point différents   l’usage de la marque, qui ne s’applique plus
                     de ceux de Marseille et de Toulon, n’étant   exclusivement sur les savons d’huile d’o­
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