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400 MERVEILLES DE L’INDUSTRIE.
« du suif de chèvre. Il en est de deux sortes, frottait le corps dans le bain. Le même au
« mou et liquide. L’un et l’autre sont em- teur cite les lotions savonneuses comme em
« ployés chez les Germains, mais par les ployées pour guérir les maladies de la peau.
« hommes plus que par les femmes (1). » Arétée ajoute que l’on composait avec le
En parlant des Gaulois comme les in savon un grand nombre de médicaments
venteurs du savon, Pline avait certainement pour l’usage externe. Les Arabes employè
en vue les habitants du midi de la Gaule, rent plus tard des compositions savonneuses
c’est-à-dire de la partie baignée par la Médi de même nature pour l’usage interne.
terranée, et qui était occupée par les Massa- Galien, que nous venons de citer, nous fait
liotes (Marseillais). Les Celtes constituaient connaître la manière dont les Gaulois fabri
la majeure partie des Massaliotcs, et le mot quaient le savon. On le préparait avec delà
sapôn des Grecs est d’origine celtique. graisse ou du suif et du sel lixiviel (carbonate
Cette dénomination est restée affectée au de soude). Ce sont précisément là les ingré
savon dans la langue de tous les peuples de dients actuels du savon.
l’Europe. Les Allemands désignent le savon Ainsi la Gaule méridionale, et particuliè
par le mot de sape, les Hollandais et les Fla rement la cité de Marseille, est la patrie
mands par zeeps, les Anglais par soap. originaire du savon, en Europe.
Dans notre patois provençal, on appelle le De Marseille l’industrie du savon se pro
savon sabou. On l’appelle en Picardiesave/on, pagea dans les autres colonies fondées par
en Espagne xabon, en Portugais sabaa, en les Grecs et dans les possessions ro
Italie sapone. Tout le monde sait que le p maines.
se changeait fréquemment en b et en v lors Une preuve irrécusable de l’emploi indus
que les mots celtiques passaient dans les triel du savon dans l’Italie ancienne, a été
langues du Midi. acquise par la découverte d’une fabrique
Comme autres preuves de l’origine gau de savon à Pompéi. Dans cette ville de la
loise du savon, nous rappellerons que Théo Campanie, qui fut recouverte en l’an 79
dore Priscien parle du savon gaulois. après Jésus-Christ par les cendres du Vé
Martial le nomme « l’écume batave, l’écume suve, on a retrouvé deux fabriques de sa
caustique ou l’écume germanique. » von et des débris de cette matière dans un
Quintus Serenus, Valère-Maxime et Ga assez grand état de conservation.
lien, font également mention du savon. Si l’on consulte le plan de Pompéi donné
Arétée, de Cappadoce, dit que les Gau par M. Breton, dans son ouvrage sur cette
lois possédaient une infinité de remèdes, et antique cité (1), on trouvera indiquée la
il cite entre autres recettes, celle contre Vélé- maison d’un fabricant de savon, au n° 25
phantiasis, qui se composait de boules de de ce plan, entre la rue des Narcisses et la
nitre et de natron d’Egypte (notre carbonate rue Consulaire. Dans cette maison on voit
de soude). On se servait de cette dernière encore six cuves de pierre qui avaient servi
substance pour blanchir le linge et on s’en à préparer des lessives, et un fourneau.
Quelques débris de savon assez bien con
servés, qui accompagnaient des outils et
(1) Voici le texte de Pline : « Prodest et sapo, Galliarum
hoc inventum rutilandis capillis. Fit ex sebo eteinere, ustensiles, ne laissent aucun doute sur le
optimus e fagino et caprine. Duobus modis, spissus ac produit industriel qui était fabriqué dans
liquidas: uterquo apud Germanos majore in usu virisquam
feminis. » (Histoire naturelle de Pline, avec la traduction de cette maison.
Littré. Tome II, page 2S2. Édition compacte de la collec
tion des auteurs latins, de M. Nisard. Grand in-8°. Paris, I (1) Pompéia décrite et dessinée par Ernest Breton. In-8.
1850.) Paris, 1855, pages 253 et 231.