Page 405 - Les merveilles de l'industrie T1
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                        « du suif de chèvre. Il en est de deux sortes,   frottait le corps dans le bain. Le même au­
                        « mou et liquide. L’un et l’autre sont em-   teur cite les lotions savonneuses comme em­
                        « ployés chez les Germains, mais par les   ployées pour guérir les maladies de la peau.
                        « hommes plus que par les femmes (1). »   Arétée ajoute que l’on composait avec le
                         En parlant des Gaulois comme les in­     savon un grand nombre de médicaments
                       venteurs du savon, Pline avait certainement   pour l’usage externe. Les Arabes employè­
                       en vue les habitants du midi de la Gaule,   rent plus tard des compositions savonneuses
                       c’est-à-dire de la partie baignée par la Médi­  de même nature pour l’usage interne.
                       terranée, et qui était occupée par les Massa-   Galien, que nous venons de citer, nous fait
                       liotes (Marseillais). Les Celtes constituaient   connaître la manière dont les Gaulois fabri­
                       la majeure partie des Massaliotcs, et le mot   quaient le savon. On le préparait avec delà
                       sapôn des Grecs est d’origine celtique.    graisse ou du suif et du sel lixiviel (carbonate
                          Cette dénomination est restée affectée au   de soude). Ce sont précisément là les ingré­
                       savon dans la langue de tous les peuples de   dients actuels du savon.
                       l’Europe. Les Allemands désignent le savon   Ainsi la Gaule méridionale, et particuliè­
                        par le mot de sape, les Hollandais et les Fla­  rement la cité de Marseille, est la patrie
                       mands par zeeps, les Anglais par soap.     originaire du savon, en Europe.
                       Dans notre patois provençal, on appelle le   De Marseille l’industrie du savon se pro­
                       savon sabou. On l’appelle en Picardiesave/on,   pagea dans les autres colonies fondées par
                       en Espagne xabon, en Portugais sabaa, en   les Grecs et dans les possessions ro­
                        Italie sapone. Tout le monde sait que le p   maines.
                       se changeait fréquemment en b et en v lors­  Une preuve irrécusable de l’emploi indus­
                       que les mots celtiques passaient dans les   triel du savon dans l’Italie ancienne, a été
                       langues du Midi.                           acquise par la découverte d’une fabrique
                          Comme autres preuves de l’origine gau­  de savon à Pompéi. Dans cette ville de la
                       loise du savon, nous rappellerons que Théo­  Campanie, qui fut recouverte en l’an 79
                       dore Priscien parle du savon gaulois.      après Jésus-Christ par les cendres du Vé­
                       Martial le nomme « l’écume batave, l’écume   suve, on a retrouvé deux fabriques de sa­
                       caustique ou l’écume germanique. »         von et des débris de cette matière dans un
                         Quintus Serenus, Valère-Maxime et Ga­    assez grand état de conservation.
                       lien, font également mention du savon.       Si l’on consulte le plan de Pompéi donné
                         Arétée, de Cappadoce, dit que les Gau­   par M. Breton, dans son ouvrage sur cette
                       lois possédaient une infinité de remèdes, et   antique cité (1), on trouvera indiquée la
                       il cite entre autres recettes, celle contre Vélé-   maison d’un fabricant de savon, au n° 25
                       phantiasis, qui se composait de boules de   de ce plan, entre la rue des Narcisses et la
                       nitre et de natron d’Egypte (notre carbonate   rue Consulaire. Dans cette maison on voit
                       de soude). On se servait de cette dernière   encore six cuves de pierre qui avaient servi
                       substance pour blanchir le linge et on s’en  à préparer des lessives, et un fourneau.
                                                                  Quelques débris de savon assez bien con­
                                                                  servés, qui accompagnaient des outils et
                         (1) Voici le texte de Pline : « Prodest et sapo, Galliarum
                       hoc inventum rutilandis capillis. Fit ex sebo eteinere,   ustensiles, ne laissent aucun doute sur le
                       optimus e fagino et caprine. Duobus modis, spissus ac   produit industriel qui était fabriqué dans
                       liquidas: uterquo apud Germanos majore in usu virisquam
                       feminis. » (Histoire naturelle de Pline, avec la traduction de   cette maison.
                       Littré. Tome II, page 2S2. Édition compacte de la collec­
                       tion des auteurs latins, de M. Nisard. Grand in-8°. Paris, I   (1) Pompéia décrite et dessinée par Ernest Breton. In-8.
                        1850.)                                    Paris, 1855, pages 253 et 231.
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