Page 400 - Les merveilles de l'industrie T1
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POTERIES, FAÏENCES ET PORCELAINES.                            39a

           que les fabricants français composèrent du   toujours un principe qui lui donne assez de
           temps de Louis XV, alors que, dans toute   fusibilité, à une haute température, pour
           l’Europe, on cherchait à imiter la porce­  qu’elle puisse prendre, en approchant de
           laine importée de la Chine. Les procédés   cette température, une translucidité presque
           découverts à cette époque et qui furent ré­  semblable à celle du verre. Elle doit cette
           vélés par le comte de Milly, dans l’ouvrage   transparence tantôt à des alcalis, la soude
           que nous avons cité, servirent à composer   ou la potasse, tantôt aux sels qui renferment
           le produit qui porte le nom de Vieux Sè­  ces alcalis , tels que le sel marin ou le
           vres, pour la France, et de Vieux Saxe, pour   nitre, tantôt enfin à des sels à base ter­
           l’Allemagne. La porcelaine tendre a fait, au   reuse, tels que des sulfates de chaux ou de
           siècle dernier, la gloire de la manufacture   baryte, ou à des phosphates qui, ajoutés aux
           de Sèvres, et les spécimens qui nous restent   éléments terreux, l’argile ou le feldspath,
           de ces poteries du temps de Louis XV et   forment des composés fusibles.
           de Louis XVI, sont aujourd’hui sans prix.   Le vernis de la porcelaine tendre est tan­
             11 va sans dire que la porcelaine tendre   tôt un composé de silice, d’alcali et de
           fut abandonnée dès que l’on eut découvert   plomb, tantôt un composé de silice, de feld­
           en Europe l’art de fabriquer la véritable   spath, de borax et d’oxyde de plomb.
           porcelaine de la Chine, c’est-à-dire la porce­  La cuisson de la porcelaine tendre est
           laine dure. Mais cet abandon n’a fait que   double ; on cuit d’abord le biscuit, puis le
           donner un prix plus considérable encore au   même produit recouvert de son vernis et de
           Vieux Sèvres.                             son décor. Comme la chaleur va jusqu’à ra­
             Ajoutons que l’on a repris, de nos jours,   mollir les pièces, on est forcé, si elles n’ont pas
           la fabrication de la porcelaine tendre, et   une forme propre, à les faire se soutenir mu­
           que cette matière est fabriquée dans quel­  tuellement, en les cuisant l’une dans l’autre,
           ques usines, en France et en Angleterre.   de les cuire sur des espèces de noyaux, qu’on
           Mais le but spécial de cette fabrication,   nomme renversoirs, par lesquels les pièces
           d’ailleurs peu importante par le nombre   sont soutenues et prennent leur retrait sans
           de pièces produites annuellement, c’est la   obstacle.
           peinture et le décor, auxquels, comme nous   Comme le biscuitde la porcelaine tendre
           l’avons dit, la porcelaine tendre se prête   n’est pas absorbant, on applique la cou­
           merveilleusement.                         verte par arrosage.
             Nous devons, en conséquence, entrer dans   Les pâtes tendres sont susceptibles de
           quelques détails sur les procédés de fabrica­  recevoir presque toutes les couleurs. On peut
           tion de la porcelaine tendre, ou, pour mieux   mettre plusieurs couleurs de fond sur le
           dire, selon nous, du verre opaque argileux.  biscuit, par conséquent sous le vernis : le
                                                     fond bleu est dans ce cas. Enfin le vernis
             Brongniart, qui a fait de la porcelaine   incorpore facilement les couleurs dans sa
           tendre la septième et dernière classe des   propre substance, ce qui donne un glacé
           poteries, définit ainsi cette substance :  très-brillant.
             « Pâte fine, dense, à texture presque vi­
           treuse, dure, translucide, fusible à une haute   La fabrication de la porcelaine tendre,
           température. »                            telle qu’on l’exécutait à Sèvres de 1750 à
             Ce terme de fusibilité dénote suffisam­  1804, était très-compliquée. Nous emprun­
           ment un verre, et non une poterie.        terons la description de ces procédés à
             La pâle de la porcelaine tendre renferme   Alexandre Brongniart.
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