Page 71 - Bouvet Jacques
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l'écharpait. La foule attendait à la rue dans .une
fiévreuse impatience; Bourgeois, le commandant
des dragons, qui ose menacer et commander
l'attaque, reçoit à son tour un coup de pioche sur
la tête qui l'étendit; les siens le ramassèrent demi-
mort.
Sans perdre de temps, les libérateurs enfer-
ment l'Oncle Jacques dans leurs rangs compacts
et débouchent sur la rue par la large porte abat-
tue. Ce furent des acclamations enthousiastes :
« Dieu soit béni! il est à nous! Notre père nous
« est rendu ! ,, Pendant que la foule dégorge de
la prison avec l'Oncle Jacques, Canobi ordonne
une décharge à ses douaniers ; plusieurs tirent en
l'air, mais d'autres visent sur le flot humain, qui
débouchait de la prison. La pauvre Bellîle, la
cause innocente de tout le mal, reçut en pleine
poitrine une balle qui devait la tuer ; elle a sur-
vécu près de quarante ans à cette blessure; J.-L.
Ticon reçut deux coups de feu, dont aucun ne
fut mortel ; plusieurs autres personnes furent
blessées. Il n'y eut qu'un mort:; ce fut Jean-Marie
Baud, de Concise, qu'on avait pris pour l'Oncle
Jacques, parce qu'il portait des habits blancs
comme lui. L'Oncle Jacques pleurait d'être la
cause de tout ce tumulte et de ces malheurs. Mais
la foule, ivre de joie, acclamait sa délivrance et
voulait le porter en triomphe ; l'encombrement
seul, joint aux résistances du confesseur, empêcha
J
ces explosions de religieux délire. Jacques Gau-
thier le chargea cependant sur ses épaules comme
sur un pavois, tant il était heureux de montrer au
peuple son Père bien-aimé, enfin rendu à la liberté.