Page 68 - Bouvet Jacques
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sont jugées du meilleur augure. Entrés dans les
rues vers les neuf heures et demie, ils les trouvent
obstruées de gens qui demandaient à grands cris
l'élargissement du prisonnier. Des communes au-
dela de la Dranse, une foule de campagnards
déterminés couvraient la place du Château. Quel-
ques hercules de Féterne brandissaient leur formi-
dable serviette (1). En vain l'agent municipal
Fernex et le commandant des dragons Bourgeois
cherchent à dissiper l'innombrable rassemble-
ment qui s'était amassé devant la maison d'arrêt.
Une foule de citoyens, amis de l'ordre, vont re-
présenter au citoyen Dessaix, présitlent du dis-
trict, que le seul moyen d'éviter de grands mal-
heurs est d'élargir le prisonnier. Les représentants
déclarent qu'on ne peut capituler devant l'émeute
et que force doit rester à la loi. En conséquence,
on double les postes, les douaniers eux-mêmes
sont mis en réquisition et consignés, avec leur
chef Canobi, en face de la prison.
Pendant que, dans les maisons, les femmes se
désolaient, tremblaient et priaient, les hommes
agissaient : les abords de la prison sont encombrés
de gens déterminés. Au moyen d'une poutre dont
on se sert comme d'un bélier, on bat la porte en
brèche; elle résiste; on redouble, et, après d'éner-
giques efforts, la poutre crève la lourde porte et
s'engage sans pouvoir être retirée.
La foule allait grossissant; l'encombrement
paralysait la liberté des mouvements. Les pa-
,
(1) Gourdin de chêne, rendu fameux par les exploits des
vogues.