Page 69 - Bouvet Jacques
P. 69
- 58 -
trouilles ne pouvaient plus circuler; en vain l'au-
torité tenta-t-elle encore des adjurations, des som-
mations. - « Rendez-nous notre prêtre! » telle
fut la seule réponse qu'on put saisir au milieu de
ce tumulte.
En vain !'Oncle Jacques lui-même, se hissant
aux barreaux de son cachot, conjurait-il ses libé-
rateurs de se retirer : « Soyez tranquilles, mes
« enfants, je suis avec de braves gens ; laissez-
« moi, il arrivera des malheurs. » On répondit par
un hourrah, quand on entendit cette voix si
chère : « A nous !'Oncle Jacques 1 « A nous notre
prêtre ! » Les gendarmes répondaient des fenêtres :
<c Vous ne !.'aurez pas! votre calotin! - Nous
« l'aurons! répondait le peuple. » Et l'on conti-
nuait de s'agiter, de s'acharner à la porte de la
prison; mais rien n'avançait.
Le gendarme Hermann, l'un des satellites du
prisonnier, disait à Randon, son brigadier : « Il
<c paraît que ces fanatiques aiment les reliques ;
<c mettons ce calotin en pièces et nous leur en
<c jetterons à chacun un morceau pour relique. »
Randon, plus humain, lui répliquait : <c Nous
<< avons ordre de le garder et non de le tuer ;
« d'ailleurs, si nous le touchons, nous serons mas-
« sacrés par le peuple, et nos enfants, que de-
<c viendront-ils ? On ne peut rien contre la force. »
Alors Hermann, pour se dédommager un peu du
mal qu'il ne pouvait pas faire, cédant à ses ins-
tincts aussi ignobles que cruels, passait sur les •
lèvres du prêtre de l'urine, des ordures ; il lui /
arrachait les poils de la barbe et l'accablait d'ou-
traQes. ,