Page 67 - Bouvet Jacques
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rurent en  foule ;  les  uns  arrivent avec  toutes  les
                 armes qui leur sont tombées sous la main : bêches,
                 tridents,  pelles ; les  autres dévalisent la  boutique
                 du  charron.  Toute  la  ville  fut  bientôt  pleine  de
                 cette  nouvelle ; les  quelques  patriotes  de  Thonon
                 se frottaient les mains d'aise;  la  grande masse de
                 la  population  était  dans  une  sorte  de  muette
                 consternation. C'était la  nuit d'une foire;  la ville'
                 renfermait  donc,  outre  ses  habitants,  un  grand
                 nombre de  campagnards attardés.  Quand tout ce
                 monde  connut  l'arrestation  de  l'Oncle  Jacques,
                 ce fut une stupeur générale ; ce fut un deuil public ;
                 on  accourt,  on  s'attroupe.  Tantôt  on  entendait
                 des  exclamations  d'éclatante  colère ;  tantôt  un
                 morne  silence  régnait dans cette multitude ; tan-
                 tôt c'étaient de  sourds  grondements,  présages  de
                 la  tempête.
                   La  nouvelle  de  cet  évènement  arriva  avec  la
                 rapidité de l'éclair dans toutes les  communes voi-
                 sines; les  populations s'émurent, frémissant  d'in-
                 dignation  et  de  colère.  Au  Lyaud,  l' Epenix  et
                 François Berthet, de Reyvroz, dirent aux groupes
                 nombreux  qui  se  formaient  :  «  Enfants I  amis 1
                 (<  l'Oncle Jacques  est  en  prison I  à  nous  de  le
                 «  délivrer,  tout de  suite I hardi 1. ..  » On  accueillit
                 avec  acclamation  cette courageuse  motion ;  il  ne
                 resta au Lyaud que quatre vieillards,  des femmes
                 et  des  enfants.  Les  gens  d'Armoy,  hésitant  à  se
                 joindre à la troupe des libérateurs, on leur annon-
                 ça qu'au retour on incendierait leur village.
                   Arrivés  tous  ensemble  sur  la  place  de  Crête,
                 qui  domine  la  ville,  on  se  concerte ;  on  dépêche
                 en ville pour sonder les dispositions des esprits, qui
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