Page 73 - Bouvet Jacques
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saintes agapes. Craignant d'attirer sur le Lyaud
les vengeances patriotiques, l'Oncle Jacques
quitta ce village, malgré les supplications de ses
habitants. Quoi qu'il en coûtât à son cœur, il
disparut dans la matinée.
Que de traits admirables signalèrent cette
nuit l Les gardes nationaux de Thonon répugnaient
à prêter leur service contre leurs concitoyens ;
n'agissaient-ils pas pour une cause qui leur était
chère à eux aussi ? Les soldats eux-mêmes de la
petite garnison de Thonon comprirent ce senti-
ment et le respectèrent; il n'y eut pour tirer sur le
peuple que quelques douaniers de Canobi et le gen-
darme qui était posté derrière la porte de la prison.
Pendant cette nuit mémorable, des citoyens
pacifiques cherchaient à calmer les gens de la
force armée et à les emmener dans les cabarets.
La seule auberge Dantand (aujourd'hui Fillion)
a distribué gratis deux chars de vin (plus de
1 . 300 litres) aux soldats, gardes nationaux, ainsi
qu'à ceux qui cherchaient à les tenir éloignés de
la scène.
Le cadavre du jeune Baud J .-Marie gisait de-
vant la porte brisée de la prison ; on annonce cette
nouvelle à sa mère, qui s'écrie aussitôt : « Dieu
« soit béni, mon fils est mort pour une belle cause 1
« Il devait me quitter demain pour rejoindre son
« corps à Genève, il est parti pour le ciel ! » Et
elle vint verser des larmes de religieuse tendresse
sur la dépouille de son enfant, en qui elle voyait
un martyr. Honneur à votre mémoire, sainte
femme, héroïne chrétienne l vous fûtes sublime
comme la mère des Machabées !