Page 77 - Bouvet Jacques
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Au milieu d'une existence si tourmentée, M.
Bouvet conserva toujours sa charmante jovialité,
le mot pour rire, l'anecdote amusante; toujours
il ramena la sérénité sur les fronts les plus assom-
bris par la terreur, la paix et le courage dans les
âmes les plus abattues. Toujours il marcha par
la voie de la simplicité et de la droiture. Si quel-
quefois il recourait à d'innocents stratagèmes ou
à quelque travestissement, qui osera l'en blâmer ?
Il se donna par là des traits de ressemblance de
plus avec le divin modèle des prêtres, à Jésus lui-
même, qui a emprunté les traits d'un voyageur
et d'un jardinier. L'autorité d'un pareil exemple,
l'innocence intrinsèque de la chose, l'importance
du but et l'imminence du danger justifient am-
plement ces moyens, qui n'étaient, après tout, que
des ruses de guerre. Du reste, on l'a vu, sa meil-
leure ruse fut toujours sa confiance en Dieu aidée
d'un imperturbable sang-froid.
Sa bonté, sa charité étaient proverbiales. Dans
les maisons où l'on savait qu'il se retirait, les
fidèles portaient quelquefois beaucoup de dons :
jamais il ne retint que le strict nécessaire ; il dis-
tribuait le reste aux pauvres, sans se préoccuper
du lendemain, ou le laissait pour sa pension l
Au village de la Baume, vivait une personne
afiligée d'une plaie hideuse : c'était une infecte
carie d'os à un pied ; la pourriture dévorait ce
membre avant la mort de la patiente ; personne
ne se dévouait à soigner cette infortunée. L'Oncle
Jacques en eut compassion ; on le vit plusieurs
fois panser ce pied avec une affection maternelle,
laver ces chairs putrides, en étancher le pus et