Page 75 - Bouvet Jacques
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« âmes avaient coûté la vie à un Dieu ; aussi, pour
{< les sauver, tous les jours il exposait la sienne. >>
Peu de temps après son extraction de la prison,
l'Oncle Jacques y revint pour confesser un malade
qui l'avait fait appeler. Le concierge Michaud et
sa femme étaient dans le secret. A peine était-il
entré, que deux gendarmes viennent frapper à la
porte de la maison d'arrêt; on se crut dénoncé et
perdu. Que résoudre ? Pas moyen de cacher ou
de faire évader le confesseur. Le pauvre geôlier
était dans des transes mortelles. « Ah bah ! leur dit
le prêtre avec son inaltérable sang-froid, ne vous
« troublez pas ;· si vous êtes calmes, on ne fera
t
« pas attention à moi ; on me prendra pour un des
« pensionnaires de la maison. Pour moi, que
« m'arrivera-t-il, si je suis reconnu? Je suis en
« prison on n'aura pas la peine de m'y conduire. ,>
Les gendarmes étaient venus pour un autre
objet ; ils remplirent leur mission, sans se douter
qu'ils fussent en face d'un calotin. Le geôlier en
fut quitte pour la peur et l'Oncle Jacques con-
fessa tranquillement le prisonnier malade.
Sur ses vieux jours, ce concierge mendiait son
pain, et, quoique son trousseau d'énormes clés
eût enfermé bien des innocents, on lui savait gré
de n'avoir pas été aussi méchant qu'il aurait pu
l'être. Ce pauvre homme ne fut pas le seul à
éprouver de ces revers de fortune ; souvent, de-
puis la Révolution, on a vu la Providence exer-
cer de terribles justices et appliquer la loi du ta-
lion à de plus grands coupables.
Tel fut l'Oncle Jacques pendant les temps ora-
geux de la Révolution. Il sut toujours demeurer