Page 55 - Bouvet Jacques
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                   On le fit demander un jour chez M.  l'avocat F ... ,
                à  Rive,  pour confesser  madame;  mais  c'était un
                guet-apens.  Aussi,  en arrivant en  cuisine,  trouva-
                t-il  des  gendarmes  qui  l'attendaient.  Sans  se  tré-
                mousser,  il  fit semblant d'être le  domestique de la
                maison,  prit  une  bûche  de  bois,  derrière  le  feu,
                avec  une  hache,  et  il  sortit  tranquillement  com-
                me  pour  aller  fendre  le  bois  à  la  rue.  On  pense
                bien  qu'il  ne  rentra  pas.
                   Il  devait  un  jour dire  la  messe  au  Lyaud,  chez
                la  veuve  l' Epenix;  déjà  le  petit sifilet s'était fait
                entendre dans le village.  Il était vers le feu,  disant
                son  office,  en  attendant  l'arrivée  des  fidèles.  La
                veuve alla,  par hasard, sur le  seuil,  pour voir si le
                monde  arrivait;  mais  au  lieu  du  monde  qu'elle
                attendait,  elle  vit deux gendarmes se  diriger vers
                la  maison.  cc  Monsieur,  s'écria-t-elle  en  pleurant,
                nous  sommes  perdus ;  voici  les  gendarmes.  -
                Eh I  piamanle  (1),  ne  te  trouble  pas ;  mets  vite
                deux pots d'eau ou de tisane vers le feu  et donne-
               moi un  bonnet. Je vais me coucher dans le  lit de
               ton  fils ;  tu  comprends  ce  que  tu  as  à  dire  et  à
               faire.  » Et elle se  tint vers le  feu  pour chauffer sa
               tisane. Les gendarmes arrivent. « Citoyenne, n'as-
               tu point de calotin caché chez toi ? -  Mes  braves
               messieurs,  répliqua-t-elle  en  sanglotant  et  en
               s'essuyant  les  yeux  avec  le  bord  de  son  tablier,
               je ne  comprends  pas ce  que  vous  dites.  -  N'as-
               tu  pas  un  prêtre,  un  calotin ?  dirent-ils en  haus-

                 (1)  Terme  de  bienveillance,  apporté  de  Turin,  et  qui
               équivaut aux mots ma cMre.
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