Page 57 - Bouvet Jacques
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bon Dieu qui a emmanché ces prunes et il a donné
aux oiseaux la permission de venir les becqueter.
11 Eh l pauvre monsieur, est-ce vous ? Je ne vous
savais pas là; ne vous gênez pas; tout ce que j'ai
est à vous, et je serais bien heureuse de vous en
voir profiter. >> Il n'était pas prudent d'accepter
l'hospitalité qu'elle lui offrait; il regagna la mon-
tagne.
Il descendait d'Armoy à la tombée de la nuit
pour confesser un malade à Thonon : il atteignit
un char chargé de fascines et de feuilles, conduit
par le père Mottu ; il pria celui-ci de lui permettre
de se cacher dans ces feuilles et il arriva ainsi en
ville, sans être aperçu de personne, jusque dans la
grange du père Mottu.
Un autre malade en danger à Thonon le fit
aussi demander. Mais la maison était à côté d'un
poste de gendarmerie ; il y avait un gendarme eil
permanence à la porte. C'était en plein jour; com-
ment faire pour traverser la grande rue et passer
à côté de cette sentinelle ? Il lui vint une idée.
Comme c'était un jour de marché, il contrefit
l'homme ivre; il se ~irigea en chancelant vers la
, . maison du malade ; ses zigzags prenaient toute
la rue ; son large chapeau sur les yeux, la tête
appesantie tombant en, avant, il avançait tou-
jours, mettant les pieds dans les ruisseaux, grom-
melant à mesure qu'il avançait. Les spectateurs,
en le regardant passer, disaient : << En voilà un,
qui en a une charge 1 >> Arrivé vis-à-vis de la porte
du malade, il se laissa tomber lourdement dans
le corridor. Au bruit, on accourut de l'intérieur de