Page 138 - Bouvet Jacques
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lui était soustraite et donnée à la nouvelle cure de
Notre-Dame. En retour, on lui assigne une paroisse
presque entièrement nouvelle.
Ses anciens paroissiens, il les connaissait, il les
pratiquait depuis plus de vingt ans; il les appe-
lait tous par leur nom, les aimait et en était payé
de retour. Vingt ans de zèle, de dévouement et de
sacrifices communs avaient scellé entre eux des
liens qui semblaient indissolubles et fait d'eux
tous, pasteur et ouailles, comme une tribu pa-
triarcale, où le bon curé jouissait d'une royauté
toute paternelle. Comment, sans violence, briser
ces liens, dissoudre cette famille ?
Les nouveaux paroissiens qu'on lui assignait ne
méritaient pas moins son intérêt, son estime, son
dévouement que ceux dont on le séparait ; ils
avaient eu eux-mêmes des sacrifices analogues à
faire; ils venaient de perdre à la fois leur église,
dont on avait fait une cathédrale et leur curé,
dont on avait fait un prévôt. Mais, de ses premiers
paroissiens, il pouvait dire, comme saint Paul ~
Je les ai engendrés dans les labeurs de mon aposto-
lat ; des seconds, il pouvait dire à son épouse.
l'église de Saint-Maurice :
• D'où nous viennent de tous côtés,
• Ces enfants qu'en ton sein tu n'avais pas portés ? ,.
Il est vrai que l'évêque proposa à M. Bouvet
d'être lui-même le premier curé de Notre-Dame,
où il retrouverait presque tous ses anciens parois-
siens. - Ce moyen ne pouvait qu'ajouter et non
remédier à ses cuisantes perplexités. - Quitter