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KIT CARSON                                           99

        Peaux-Rouges et à comprendre leur code de          été déchiquetées par les épines, et il continua sa
        l’honneur. Il sympathisa avec ces hommes qui       route nu-pieds, toute la journée, dans le désert
        défendaient leurs terrains de chasse contre les    brûlant. La nuit suivante, il dut de nouveau
        colons blancs et intervint souvent en leur faveur.  ramper pour traverser un autre cordon de troupes
           Un jour, il apprit que des soldats avaient cap­  ennemies.
        turé un guerrier Ute, lui avaient pris son fusil et   Soudain une voix cria : « Qui va là ? »
        l’avaient ligoté. Mais l’Indien s’était échappé. Kit   C’était une sentinelle américaine. Kit se
        comprit qu’à la suite de cet incident les Utes     redressa sur ses jambes vacillantes.
        allaient redevenir les ennemis des hommes blancs.     — Vite ! murmura-t-il. Kearny est encerclé !
        Aussitôt il prit le fusil de l’Indien, galopa jusqu’à   Si vous ne volez pas à son secours, il n’en a plus
        Taos et envoya des messages aux chefs Utes en      pour longtemps !
        leur demandant de venir le voir. Quand ils furent     Kit était arrivé à temps. Après une violente
        descendus des montagnes, il donna une grande       bataille, les Mexicains furent battus. Kit reçut les
        fête en leur honneur, remit un présent à chacun    remerciements du Président des Etats-Unis et sa
        d’eux, puis leur rendit solennellement le fusil.   renommée grandit encore.
           — Les soldats ont commis une erreur, leur
        dit-il. Nous le regrettons beaucoup.                      Un dernier défi à la mort


             A travers les lignes ennemies                      it décida alors d’en finir avec la vie errante.
                                                           K     Comme les troupeaux de buffles avaient été
        \ près la mort de Waa-Nibe, Kit alla mettre sa     presque entièrement exterminés, on manquait de
            fille en pension chez des religieuses du Mis­  viande fraîche. Il s’installa donc éleveur et devint
        souri. Sur le chemin du retour, il fit la connais­  l’un des premiers cow-boys du Far West où se
        sance d’un jeune lieutenant, nommé Frémont,        fixaient maintenant de nombreux colons. II éleva
        qui venait d’être chargé d’explorer les cols des    des chevaux, des mules et des moutons qu’il
        montagnes Rocheuses et d’en dresser la carte.       vendait aux nouveaux fermiers.
        Frémont demanda à Kit de lui servir de guide.         Il continua cependant à jouer son rôle dans la
           Un jour que Kit galopait vers l’Ouest pour       pacification de l’Ouest et un gouvernement avisé
        aller transmettre un rapport de Frémont, il tomba   lui confia enfin la direction de l’Agence indienne
        sur le général Kearny qui, à la tête de ses troupes,   de Taos. Sa tâche consistait à aider les Indiens et
        progressait péniblement à travers le désert. La     à intervenir pour eux en cas de besoin. Il retrouva
        guerre venait d’éclater avec le Mexique. Kearny     avec plaisir ses vieux amis et il lui arriva de
        demanda à Kit où il se rendait.                     conduire jusqu’à Washington une délégation des
           — A la Maison Blanche, à Washington, dit         chefs Utes qui voulaient présenter une requête au
        celui-ci. Je dois remettre cette lettre au Président.  Président. Au retour, Kit tomba malade. Pour la
           — Donnez-la-moi ! répliqua Kearny. Un de         première fois de sa vie, il dut consulter un méde­
        mes hommes la portera. Vous, vous allez me ser­     cin. Celui-ci prit un air soucieux.
        vir de guide.                                         — Monsieur Carson, lui dit-il, vous pourrez
           Kit dut obéir. Ils approchaient de San Diego     vivre encore quelque temps, à condition de ne
        quand Kearny tomba dans une embuscade tendue        prendre que du pain et du lait.
        par les Mexicains. Les Américains envoyèrent          Kit le regarda avec surprise. Puis il appela son
        plusieurs messagers pour appeler à leur aide la     domestique.
        garnison de San Diego, mais tous furent inter­        — Tu vas me préparer un bon petit dîner,
        ceptés.                                             lui dit-il gaiement. Un gros steak de buffle, du
           — J’irai ! dit alors Kit à Kearny. S’il y a quel­  café très fort et une bonne pipe. Voilà ce qu’il
        qu’un qui peut arriver à San Diego, c’est moi ! Je   me faut !
        vous confie mon cheval, je n’en aurai pas besoin.     Mais le vieil homme des montagnes ne sup­
           Pour franchir les lignes ennemies, il rampa      porta pas cet abondant repas.
        toute la nuit à travers des étendues couvertes de     — Je sens que je m’en vais ! dit-il avec un
        cactus qui barraient le chemin comme des bar­       calme sourire. Adios, ami docteur !
        belés. A l’aube, quand il se redressa, il s’aperçut   Telle fut la fin tranquille de cet audacieux qui
        que ses chaussures, attachées sur son dos, avaient   avait tant de fois bravé la mort.
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