Page 101 - Album_des_jeunes_1960
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KIT CARSON 99
Peaux-Rouges et à comprendre leur code de été déchiquetées par les épines, et il continua sa
l’honneur. Il sympathisa avec ces hommes qui route nu-pieds, toute la journée, dans le désert
défendaient leurs terrains de chasse contre les brûlant. La nuit suivante, il dut de nouveau
colons blancs et intervint souvent en leur faveur. ramper pour traverser un autre cordon de troupes
Un jour, il apprit que des soldats avaient cap ennemies.
turé un guerrier Ute, lui avaient pris son fusil et Soudain une voix cria : « Qui va là ? »
l’avaient ligoté. Mais l’Indien s’était échappé. Kit C’était une sentinelle américaine. Kit se
comprit qu’à la suite de cet incident les Utes redressa sur ses jambes vacillantes.
allaient redevenir les ennemis des hommes blancs. — Vite ! murmura-t-il. Kearny est encerclé !
Aussitôt il prit le fusil de l’Indien, galopa jusqu’à Si vous ne volez pas à son secours, il n’en a plus
Taos et envoya des messages aux chefs Utes en pour longtemps !
leur demandant de venir le voir. Quand ils furent Kit était arrivé à temps. Après une violente
descendus des montagnes, il donna une grande bataille, les Mexicains furent battus. Kit reçut les
fête en leur honneur, remit un présent à chacun remerciements du Président des Etats-Unis et sa
d’eux, puis leur rendit solennellement le fusil. renommée grandit encore.
— Les soldats ont commis une erreur, leur
dit-il. Nous le regrettons beaucoup. Un dernier défi à la mort
A travers les lignes ennemies it décida alors d’en finir avec la vie errante.
K Comme les troupeaux de buffles avaient été
\ près la mort de Waa-Nibe, Kit alla mettre sa presque entièrement exterminés, on manquait de
fille en pension chez des religieuses du Mis viande fraîche. Il s’installa donc éleveur et devint
souri. Sur le chemin du retour, il fit la connais l’un des premiers cow-boys du Far West où se
sance d’un jeune lieutenant, nommé Frémont, fixaient maintenant de nombreux colons. II éleva
qui venait d’être chargé d’explorer les cols des des chevaux, des mules et des moutons qu’il
montagnes Rocheuses et d’en dresser la carte. vendait aux nouveaux fermiers.
Frémont demanda à Kit de lui servir de guide. Il continua cependant à jouer son rôle dans la
Un jour que Kit galopait vers l’Ouest pour pacification de l’Ouest et un gouvernement avisé
aller transmettre un rapport de Frémont, il tomba lui confia enfin la direction de l’Agence indienne
sur le général Kearny qui, à la tête de ses troupes, de Taos. Sa tâche consistait à aider les Indiens et
progressait péniblement à travers le désert. La à intervenir pour eux en cas de besoin. Il retrouva
guerre venait d’éclater avec le Mexique. Kearny avec plaisir ses vieux amis et il lui arriva de
demanda à Kit où il se rendait. conduire jusqu’à Washington une délégation des
— A la Maison Blanche, à Washington, dit chefs Utes qui voulaient présenter une requête au
celui-ci. Je dois remettre cette lettre au Président. Président. Au retour, Kit tomba malade. Pour la
— Donnez-la-moi ! répliqua Kearny. Un de première fois de sa vie, il dut consulter un méde
mes hommes la portera. Vous, vous allez me ser cin. Celui-ci prit un air soucieux.
vir de guide. — Monsieur Carson, lui dit-il, vous pourrez
Kit dut obéir. Ils approchaient de San Diego vivre encore quelque temps, à condition de ne
quand Kearny tomba dans une embuscade tendue prendre que du pain et du lait.
par les Mexicains. Les Américains envoyèrent Kit le regarda avec surprise. Puis il appela son
plusieurs messagers pour appeler à leur aide la domestique.
garnison de San Diego, mais tous furent inter — Tu vas me préparer un bon petit dîner,
ceptés. lui dit-il gaiement. Un gros steak de buffle, du
— J’irai ! dit alors Kit à Kearny. S’il y a quel café très fort et une bonne pipe. Voilà ce qu’il
qu’un qui peut arriver à San Diego, c’est moi ! Je me faut !
vous confie mon cheval, je n’en aurai pas besoin. Mais le vieil homme des montagnes ne sup
Pour franchir les lignes ennemies, il rampa porta pas cet abondant repas.
toute la nuit à travers des étendues couvertes de — Je sens que je m’en vais ! dit-il avec un
cactus qui barraient le chemin comme des bar calme sourire. Adios, ami docteur !
belés. A l’aube, quand il se redressa, il s’aperçut Telle fut la fin tranquille de cet audacieux qui
que ses chaussures, attachées sur son dos, avaient avait tant de fois bravé la mort.